Leur Monopoly avec la sueur et les souffrances du monde du travail01/02/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/02/une1957.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Leur Monopoly avec la sueur et les souffrances du monde du travail

Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons d'être inquiets de l'opération d'achat lancée par Mittal Steel, le plus puissant trust sidérurgique du monde, contre Arcelor qui est le deuxième. Ce genre d'opérations se traduit toujours par des suppressions d'emplois.

Les travailleurs de la sidérurgie et leurs familles n'ont pas pu oublier toutes ces opérations qui, depuis les années 1970, sous prétexte de "modernisation" pour faire face à la concurrence internationale, se sont concrétisées pour eux par des fermetures d'usines et des licenciements massifs qui ont ruiné des régions entières. Les gouvernements de droite puis de gauche ont dépensé entre 1970 et 1990 la somme fantastique de 100 milliards de francs pour subventionner la sidérurgie. C'était autant de moins pour les hôpitaux, pour les maisons de retraite, pour l'Éducation nationale. Les actionnaires des entreprises de sidérurgie ont empoché la somme tout en supprimant les trois quarts des effectifs du secteur. C'est de ces opérations, au prix de dizaines de milliers d'emplois supprimés et de milliards dépensés, qu'émergea le trust Usinor qui, fusionnant avec un trust luxembourgeois et un autre, espagnol, donna Arcelor.

Le trust Arcelor vient tout juste de racheter une entreprise sidérurgique canadienne. Et voilà que, à peine le requin a avalé un gros poisson, il est menacé d'être avalé à son tour par un requin plus gros que lui! Pour racheter Arcelor, Mittal Steel met 18,6 milliards d'euros sur la table. Si elle réussit, l'opération n'aura même pas renforcé les capacités de production en fer et en acier car l'acheteur n'aura fait que racheter des entreprises déjà existantes, usines, matériels et ouvriers compris.

Ce qui se passe dans la sidérurgie illustre ce qui se passe dans l'ensemble de l'économie mondiale. Grâce à leurs profits élevés, les groupes industriels disposent de sommes colossales. Mais ils ont tellement peu confiance dans l'expansion de leur propre économie qu'ils refusent d'investir dans la production et de créer de nouvelles usines et des emplois supplémentaires. Ils préfèrent gagner plus en vendant plus cher ce qui est produit par les équipements déjà existants et avec un nombre d'ouvriers plus réduit. Leur argent leur sert à se racheter les uns les autres. Et, en passant, à permettre à leurs actionnaires principaux de s'enrichir au point de se retrouver à la tête de fortunes qui dépassent l'entendement. Le patron de Mittal Steel est devenu le troisième homme le plus riche du monde. Sa fortune personnelle dépasse la production annuelle totale de deux pays africains comme le Sénégal et le Mali réunis. Pour marier sa fille, il a choisi Versailles, a loué le château de Vaux-le-Vicomte et le parc de Saint-Cloud pour la bagatelle de 50 millions d'euros!

On ne sait pas encore si cette nouvelle "fusion-acquisition", comme disent les patrons, réussira. En attendant, le prix en Bourse des actions Arcelor a augmenté de 28% en un seul jour, augmentant dans les mêmes proportions la fortune de ses principaux actionnaires.

Voilà à quoi servent les profits gigantesques dont se vantent les grandes entreprises. Voilà pourquoi on écrase les salaires et on aggrave les conditions de travail. Voilà pourquoi on licencie et on réduit les effectifs afin de produire plus avec moins de travailleurs. Voilà pourquoi on impose la flexibilité et on remplace les CDI par des contrats précaires. Le "contrat première embauche" n'étant que le dernier en date des petits services rendus au grand patronat par le gouvernement, la dernière en date des infamies à l'égard du monde du travail.

Voilà comment marchent leur économie et leur société. Des millions de travailleurs sont condamnés à s'user au travail s'ils en ont un ou à crever de pauvreté s'ils n'en ont pas, pour que les grands groupes jouent à ce "Monopoly" gigantesque. Mais leur Monopoly se joue avec la peau des travailleurs et les conséquences de ce jeu sont catastrophiques pour toute la société.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 30 janvier

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