General Motors - Strasbourg : Grandes manoeuvres contre les travailleurs11/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1954.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

General Motors - Strasbourg : Grandes manoeuvres contre les travailleurs

Aux États-Unis, General Motors s'est lancé dans une grande offensive contre les travailleurs, en prétendant que ses affaires allaient mal, très mal, au point de laisser courir des rumeurs de mise en faillite! C'est évidemment un tissu de mensonges, destiné à faire accepter des sacrifices supplémentaires aux travailleurs. General Motors reste la première entreprise automobile mondiale, mais elle veut gagner toujours plus. On en sait quelque chose ici, à l'usine General Motors de Strasbourg, où les affaires de la compagnie vont fort bien, mais où la direction espère obtenir l'accord des organisations syndicales pour imposer la flexibilité des heures de travail à notre détriment.

Les gros mensonges de GM

Après l'annonce, en octobre dernier, que l'équipementier Delphi, ex-filiale de GM, se plaçait sous la protection du juge des faillites aux États-Unis et exigeait du syndicat de l'automobile, l'UAW, une renégociation à la baisse du contrat maison, General Motors a emboîté le pas en arguant de ses mauvais résultats en 2005 sur le marché américain pour exiger lui aussi que l'UAW accepte de renégocier avec deux ans d'avance un contrat qui n'expirait qu'en septembre 2007.

General Motors a obtenu du syndicat UAW un accord pour une réduction de 2000 dollars par salarié sur les augmentations de salaires prévues pour 2006 et une réduction importante du financement par la direction de la couverture médicale des retraités. GM a par ailleurs annoncé son intention de supprimer 25000 à 30000 emplois, notamment en fermant plusieurs usines aux États-Unis! Ce sont 5milliards de dollars d'économies que GM compte réaliser en 2006 sur le dos des travailleurs, exactement ce que l'entreprise dit avoir perdu en 2005 sur le marché américain. En somme, ce sont les travailleurs et eux seuls qui vont devoir supporter les pertes de l'entreprise.

En fait, les prétendues pertes de General Motors sur le marché américain, en admettant même qu'elles soient réelles, n'en font pas une entreprise au bord de la faillite, ni même une entreprise moindrement en difficulté. D'ailleurs son PDG affichait un bel optimisme lors du Salon de l'automobile qui se tient ces jours-ci à Detroit. Aux États-Unis mêmes, GM a perdu des parts de marché en se spécialisant dans les véhicules plus luxueux et plus coûteux. Cela lui a rapporté très gros pendant des années. Toute une partie de ces bénéfices ont été placés dans sa filiale financière. Non seulement cette filiale a fait encore cette année de gros profits, alors que la maison mère accuse un déficit, mais General Motors est assis sur des dizaines de milliards de dollars de profits accumulés dans le passé.

Enfin, le bilan de l'année 2005 est loin d'être défavorable à GM. Si ses ventes ont chuté de 4,3% aux États-Unis, elles ont augmenté ailleurs dans le monde, de 35% en Chine, mais aussi en Amérique latine et en Europe. Au total, les ventes de GM, loin de diminuer, ont augmenté de 2%. Et, avec plus de 9 millions de véhicules vendus dans le monde cette année, elle a battu un record vieux de vingt-sept ans!

Les travailleurs ne sont pas dupes

C'est dire que les travailleurs n'ont aucune raison de croire à la propagande de la direction et de consentir des sacrifices supplémentaires.

À Strasbourg, la direction peut difficilement arguer de mauvais résultats. Le bilan d'audit pour l'année 2004 est tout à fait parlant. Le chiffre d'affaires de l'entreprise strasbourgeoise a augmenté de plus de 25%, avec une diminution de 5,3% du nombre d'ouvriers directement en production. Le recours massif aux heures supplémentaires et au personnel intérimaire a représenté l'équivalent de plus de 100 salariés embauchés à temps plein. La valeur ajoutée (c'est-à-dire la richesse produite par les salariés de l'usine) par heure travaillée s'est montée à 75 euros, soit une augmentation de 19,6% par rapport à 2003. Le profit avant impôt a connu une hausse de 44% par rapport à 2003!

Qu'à cela ne tienne: ce n'est pas parce que l'entreprise est très profitable qu'elle n'en veut pas encore plus. Depuis la mi-décembre, la direction profite des réunions annuelles de négociations salariales pour revenir sur l'organisation du temps de travail dans l'usine. Elle a à sa disposition les 35 heures, avec tous les arrangements que permet la loi, dont l'augmentation du quota d'heures supplémentaires, les possibilités de mise en chômage du personnel quand ça l'arrange, mais cela ne lui suffit pas. Elle ne s'est pourtant pas gênée l'an dernier pour imposer une semaine de congé au mois de mai et une semaine de chômage pour une partie des ouvriers sous prétexte d'excédent de stock de boîtes de vitesse.

La direction s'appuie maintenant sur les pertes de salaire occasionnées par le chômage pour tenter de faire croire aux travailleurs qu'il serait plus intéressant pour eux qu'elle garantisse un "revenu annuel", plutôt qu'un "salaire"! Dans son système, les heures supplémentaires accumulées pendant certaines périodes ne seraient plus payées qu'à 10%, les 15% restants étant conservés pour servir à compenser les pertes occasionnées par d'éventuelles périodes de diminution d'activité, de chômage.

C'est évidemment une remise en cause des garanties que les travailleurs avaient obtenues en 2000 lors de l'application des 35 heures, garanties qui excluaient toute flexibilité ou annualisation du temps de travail. Mais c'est aussi une attaque contre les salaires. En jouant sur les mots "salaire" et "revenu", la direction voudrait obtenir de nous faire payer les périodes de chômage par les heures supplémentaires qu'elle nous imposerait en fonction du rythme des commandes. Avec ce tour de passe-passe, c'est elle qui serait gagnante sur tous les tableaux.

Malgré toutes ses manoeuvres, sa mise en scène et ses pressions, la direction aura bien du mal à abuser les travailleurs. Elle a déjà dû reculer sur la modification des contrats de travail des ouvriers mutés dans d'autres ateliers, à qui elle voulait faire signer un avenant imposant de travailler sous n'importe quel horaire en fonction des besoins de la production.

Alors, rien n'est encore gagné pour GM.

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