Champagne : Les travailleurs ne sont pas à la fête22/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1951.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Champagne : Les travailleurs ne sont pas à la fête

Depuis plusieurs mois, les travailleurs de Marne-Champagne, l'un des principaux négociants, plus connu par sa marque Lanson, sont dans l'incertitude. Leur société que l'on dit avoir été endettée par son actuel patron est la proie du groupe Boizel-Chanoine, dont le propriétaire symboliserait cette génération d'actionnaires ayant une soif insatiable de profit et qui, pour parvenir à ses fins, met à mal les acquis sociaux des salariés. Et de fait, c'est avec de grandes craintes que les 450 travailleurs de Lanson entrevoient leur avenir, d'autant que des rumeurs persistantes prétendent qu'il y aurait un sureffectif de 150 personnes.

Ce n'est pas la seule entreprise où l'inquiétude règne. De plus en plus de maisons de champagne sont l'objet de convoitise, ne serait-ce qu'à cause des bons placements qu'elles représentent, avec un taux de rentabilité supérieur à 20%.

En cette période de fête où le champagne est souvent sur les tables de réveillon, nombre de commentateurs font l'éloge du secteur, le seul à ne pas être touché par la crise viticole et qui, ces dernières années, a dépassé les 300 millions de bouteilles vendues. Cette réussite serait due non seulement à l'image de marque du champagne mais aussi à un sain partenariat entre les maisons de champagne et les vignerons, qui détiennent 80% des surfaces cultivables.

Cette vision idyllique est évidemment loin de refléter la réalité. Au début des années 1990, le kilo de raisin s'était brusquement envolé à plus de six euros, mettant à mal les profits des maisons, du moins celles qui ne possédaient pas ou pas suffisamment de vignes. Les prix se sont ensuite stabilisés à un niveau élevé, de l'ordre de quatre à cinq euros le kilo, ce qui fait du raisin de champagne, le raisin le plus cher du monde!

Sous prétexte d'une situation qu'elles disaient difficile pour elles, les maisons s'attaquèrent aux travailleurs du secteur. De 1997 à 2004, les effectifs sont ainsi passés dans les principales maisons (Moët et Chandon, Pommery, Mumm...), de 7500 salariés à moins de 4500, alors que le nombre de bouteilles produites augmentait. Cela se fit non pas par des licenciements mais par des non-remplacements des départs en retraite. Il s'est agi aussi d'externalisation des emplois dans le conditionnement ou la vinification par exemple, désormais confiés à des entreprises où les salaires sont bien moindres. Dans les maisons elles-mêmes, la précarité est devenue plus forte avec une augmentation des contrats à durée déterminée ou encore le développement des CDII, un contrat à durée illimité intermittent: une situation de saisonnier à vie!

Cet acharnement a porté ses fruits pour les actionnaires qui ont vu leurs dividendes progresser de 800% entre 1995 et 2002, pour atteindre 233 millions d'euros, soit l'équivalent de la rémunération des 4500 travailleurs du champagne pendant un an et huit mois.

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