Allemagne : Ça gaze pour Schröder22/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1951.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Ça gaze pour Schröder

On aurait eu tort de s'inquiéter pour l'avenir de l'ex-chancelier allemand Gerhard Schröder, obligé de se reconvertir depuis qu'il a été remplacé à son poste par Angela Merkel. En effet, il vient d'accepter de présider le conseil de surveillance du consortium germano-russe North European Gas Pipeline Company, chargé de construire, sous la mer Baltique, un gazoduc long de 1700 kilomètres dont 1200 immergés, et lourd de quatre milliards d'euros. Ce gazoduc relierait les gisements de gaz russes directement au principal client européen de la société Gazprom, l'Allemagne. Il évite de passer par la Pologne et les pays baltes, suscitant de la part de ces pays des inquiétudes quant aux intentions des sociétés russes sur le prix du gaz, vu leur situation de monopole.

Dans la société créée pour la construction du gazoduc figure évidemment Gazprom, le géant gazier russe, avec une part de 51%, mais également deux multinationales allemandes, BASF, dans le domaine de la chimie, et E.ON, dans celui de l'énergie, chacune disposant de la moitié des parts restantes.

Le projet de la construction, comme de l'exploitation du futur gazoduc qui devrait commencer en 2010, a été présenté comme pharaonique par ses promoteurs, lors de la pose de la première pierre. Il s'agira, selon l'actuel patron de Gazprom et le Premier ministre russe, d'acheminer des milliards de mètres cubes de gaz russe, 10% de la production actuelle, vers l'Europe.

Avec la nomination de Gerhard Schröder à la tête de la société chargée du projet, trois semaines à peine après qu'il a quitté la chancellerie, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une forme de "remerciement" de la part de son ami, le président russe Poutine, pour avoir pesé dans la construction du gazoduc? Le gérant de la nouvelle société, un des dirigeants de la Dresdner Bank, ne fut-il pas, jusqu'en 1989, l'un des chefs de la Stasi, la police d'État de la RDA, l'ancienne Allemagne de l'Est? Poutine lui-même n'est-il pas pressenti pour devenir le futur dirigeant de Gazprom, à la fin de son mandat, en 2008?

En tout cas, dans l'immédiat, un important pécule serait d'ores et déjà à la clé des nouvelles responsabilités de l'ex-chancelier Schröder. Après avoir géré les affaires de la bourgeoisie d'un des pays les plus riches du monde et l'avoir aidée à faire passer les mesures les plus antiouvrières, cela méritait bien ça.

En fait, il n'y a là rien de bien différent du rétablissement post-gouvernemental, par exemple des homologues britanniques de Schröder: Margaret Thatcher, aussitôt après avoir quitté ses fonctions à la tête du gouvernement, devint consultant géopolitique pour le trust des tabacs Philip Morris, pour la modique somme de 250000 dollars par an, plus autant pour la fondation qu'elle avait créée. Elle se chargea d'ouvrir, pour son employeur, les marchés d'Europe centrale, de Russie, de Chine et du Vietnam et entreprit de lutter contre... les publicités anti-tabac. Quant à celui qui lui succède, John Major, il se contente de présider, depuis 2001, la compagnie d'investissement Carlyle, le pilier de la guerre américaine contre l'Irak.

Pour un certain nombre de politiciens, il n'y a vraiment pas loin des commandes de l'État à celles de quelque grand trust capitaliste; au fond c'est presque le même métier.

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