Villepin et les banlieues : C'est les gouvernements qu'il faudrait sanctionner, pas les parents!07/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1949.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Villepin et les banlieues : C'est les gouvernements qu'il faudrait sanctionner, pas les parents!

Frapper au porte-monnaie les parents des élèves qui font l'école buissonnière ou perturbent les cours, telle est la principale mesure annoncée par Villepin lors de sa conférence de presse sur l'éducation le 1er décembre. Ils pourraient se voir infliger des amendes de 750 euros, la mise sous tutelle des allocations familiales ou leur suppression pure et simple.

Cela prendrait la forme hypocrite d'un "contrat de responsabilité". Les parents se verraient convoqués par l'Aide sociale à l'enfance et sommés de remettre leur progéniture dans le droit chemin.

Pour donner un air vaguement "éducatif" à la chose, il est question de les soutenir par une aide, une phase d'accompagnement des élèves et des parents. Ce serait aux départements d'inventer et surtout de financer cette demande. C'est dire si Villepin a des idées sur la manière de faire reprendre le chemin de l'école aux récalcitrants! Puis, après une "mise à l'épreuve" de trois à six mois, si la mission impossible fixée par l'État aux parents n'est pas accomplie, les sanctions pourraient tomber.

À vrai dire, on ne voit pas comment le fait de priver de ressources les familles concernées les aiderait à reprendre en main des situations qui bien souvent les dépassent. Ces mesures existent d'ailleurs déjà en partie, ou ont existé, et jamais elles n'ont eu le moindre effet visible. Mais tel n'est pas l'objectif de Villepin. Il veut surtout désigner les parents de ces enfants comme les principaux responsables de la flambée de violence dans les banlieues, et exonérer ainsi les responsabilités de l'État, et en particulier celles de son gouvernement. Rivalisant avec Sarkozy, Villepin espère trouver l'oreille, et qui sait les votes, d'une partie de ceux qui dans les cités voient leur vie pourrie par les bandes qui y sévissent. Bien au-delà, il vise aussi tout un électorat réactionnaire dont les enfants ont généralement d'autres endroits que les cages d'escalier pour se rencontrer et discuter. Il s'agit d'une démagogie de bas étage, même si elle est pratiquée sur le ton précieux et mondain d'un homme de la haute! Quant à mettre réellement un terme à la violence, au désintérêt pour la culture où aux comportements asociaux qui sévissent dans une partie de la jeunesse des cités, Villepin s'en soucie comme d'une guigne.

Car ces familles qu'il cloue aujourd'hui au pilori, en quoi l'État les a-t-il vraiment aidées quand il était possible que leurs enfants, encore très jeunes, reçoivent une autre éducation? À la maternelle, leurs maîtresses n'avaient déjà pas les moyens de leur apprendre à s'exprimer correctement, submergées par des classes trop nombreuses d'enfants ne parlant, à leur entrée à l'école, que la langue chacun de sa mère respective. Puis à l'école primaire, quand leurs institutrices ont constaté qu'ils n'arrivaient ni à lire ni à écrire, et en ont averti la famille, quelle aide ont-elles pu lui proposer? Au mieux un redoublement qui n'a rien arrangé, ou le conseil d'aller voir un orthophoniste dans un centre médico-pédagogique, pour lequel il y a de tout façon en banlieue un délai de plusieurs mois d'attente.

Les moyens mis par l'État sont tellement dérisoires que les familles qui appellent au secours se retrouvent laissées à elles-mêmes face à des enfants leur échappant bien souvent de plus en plus quand ils grandissent. Et ce sont ces parents, premières victimes des insuffisances de l'État, dont Villepin voudrait faire des coupables et qu'il voudrait taxer comme tels, et avec eux toute une famille! Le tout au nom d'un principe qui a cours dans les systèmes autoritaires, celui de la responsabilité collective.

Il y aurait aujourd'hui 20000 familles dans le collimateur du gouvernement. Qui oserait prétendre que l'État n'aurait pas les moyens de les aider, et cela tout de suite? 20000, c'est moins que le nombre de patrons auxquels il verse des aides à fonds perdus!

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