La générosité des uns, la cupidité des autres07/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1949.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La générosité des uns, la cupidité des autres

Durant le week-end des 3 et 4 décembre, le Téléthon, organisé pour recueillir des fonds destinés aux recherches sur les maladies génétiques, a recueilli pour près de cent millions d'euros de promesses de dons, battant ainsi son record de l'an passé.

Lundi 5 décembre, les "Restos du coeur", fondés il y a tout juste vingt ans par Coluche, ouvraient leur campagne d'hiver pendant laquelle ils vont distribuer des repas aux plus défavorisés, grâce à l'aide de 45000 bénévoles.

Tout cela prouve qu'il y a dans le grand public des trésors de générosité, et c'est réconfortant. Mais cela souligne en même temps la carence totale de l'État dont ce devrait être le rôle de financer la recherche médicale et de faire en sorte que chacun puisse se loger, se vêtir et se nourrir décemment, si cet État était vraiment, comme il le prétend, au service de la collectivité tout entière. Et cela prouve à quel point le système économique qu'il sert, c'est-à-dire le système capitaliste, est fou et inhumain.

Chaque année, les grandes entreprises enregistrent de nouveaux records de bénéfices. Elles distribuent à leurs actionnaires des dividendes chaque fois plus importants. Les plus grandes sociétés, qui ne savent plus que faire de leurs capitaux, sont lancées dans une course au rachat d'autres d'entreprises, ce qui ne crée évidemment aucune richesse nouvelle. Les particuliers riches spéculent en Bourse, ou dans l'immobilier, pour accroître encore leur patrimoine. Tout cela sur le dos du monde du travail, victime des conséquences de cette course sauvage au profit, qui se traduit par la baisse du niveau de vie de tous les travailleurs, par des millions de chômeurs, par la généralisation de la précarité et par des cadences de travail de plus en plus intenses dans les usines.

Et que fait l'État devant cette situation? Non seulement il multiplie les dégrèvements de charges sociales pour les entreprises, sous le fallacieux prétexte d'aider à la création d'emplois, mais il procède aussi à une diminution de la part des impôts directs payés par les gros contribuables, dont personne n'ose tout de même prétendre que c'est un moyen de lutter contre le chômage.

Sans même parler des 46 milliards d'euros de "niches fiscales" (c'est-à-dire d'exonérations accordées aux plus riches sous des prétextes divers), le budget 2006, récemment voté, a prévu une réduction des impôts pour les plus riches de trois milliards six cents millions d'euros: trente-six ans de recettes du Téléthon, ou les frais de fonctionnement des Restaurants du coeur pour à peu près la même durée!

Si l'État, au lieu de faire ce cadeau à ceux qui ont les revenus les plus importants, avait consacré cet argent à la recherche médicale, à la santé publique ou à l'enseignement, cela n'aurait même pas accru d'un centime les impôts payés par ces gens-là, qui n'ont jamais été ruinés par leur percepteur. Mais voilà, l'État est précisément au service de la bourgeoisie. Pour elle, il ne manque pas de prévenance. Pour tout ce qui concerne l'ensemble de la société, c'est un "À votre bon coeur messieurs-dames" adressé à la population.

Et la population répond, heureusement, pour limiter les dégâts de cette gestion de la société qui ne se préoccupe que des intérêts des possédants. Mais cela n'empêche pas chaque année les mêmes problèmes de se reposer. Et si nous voulons pour nous et nos enfants une société qui consacre l'argent qu'il faut pour permettre à ceux qui ont été frappés par la maladie et le handicap de vivre le plus normalement possible; une société où des mères de famille ne soient pas contraintes de recourir à la charité publique pour nourrir leurs enfants; une société où des travailleurs ne touchent pas des salaires si misérables qu'ils ne peuvent pas se loger et risquent de mourir de froid chaque hiver, et tout cela dans un des pays les plus riches de la planète, c'est tout le système qu'il faudra changer.

Une société fraternelle, solidaire, ne se donnant pas pour but l'enrichissement de quelques-uns, mais s'efforçant de satisfaire les besoins de tous, cela s'appelle le socialisme. Ceux qui trouvent très bien le monde tel qu'il est, parce qu'ils en sont les privilégiés, disent que c'est une idée dépassée. Mais c'est au contraire la seule idée qui puisse offrir à l'humanité un avenir digne d'elle.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 5 décembre

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