Décembre 1905, loi de séparation de l'Église et de l'État en France : Une séparation partielle de plus en plus remise en cause07/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1949.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Décembre 1905, loi de séparation de l'Église et de l'État en France : Une séparation partielle de plus en plus remise en cause

Le 9 décembre 1905, la loi dite de "séparation de l'Église et de l'État" était adoptée. Cette loi qui reconnaissait à chacun la "liberté de conscience" marquait la volonté de l'État de ne plus subventionner aucun culte, faisant de l'État en France un État laïque. Un siècle plus tard, certains aimeraient mettre un terme à cette situation qui reste dans le monde peu fréquente.

Longtemps, en France, l'Église catholique occupa une place considérable. À la fin de la Révolution, elle l'avait gardée, malgré la perte d'une partie de ses privilèges et de sa richesse. Napoléon signa avec elle en 1801 un concordat. Tout en la domestiquant, il la finança en lui laissant des prérogatives importantes. "Je ne vois pas dans la religion le mystère de l'incarnation, mais le mystère de l'ordre social", disait-il. Effectivement, jusqu'à l'avènement de la IIIeRépublique, l'Église fut un des principaux soutiens des régimes en place.

L'école, le coeurde la concurrenceentre l'Église et l'État

En 1875, la république était établie en France, en dépit de l'opposition de l'Église, fidèle à la monarchie. Une partie des républicains s'engagèrent dans la déconfessionnalisation de la vie publique. Le délit d'outrage à la vie religieuse disparut, tout comme les prières récitées au début des sessions parlementaires. Surtout, pour eux, l'école devait devenir le lieu de diffusion de l'esprit républicain. L'école gratuite, obligatoire de six à douze ans et laïque fut instituée pour contrer l'influence des congrégations religieuses catholiques qui avaient jusqu'alors le quasi-monopole de l'école, dans bon nombre de régions tout au moins.

Durant l'affaire Dreyfus, la majorité de l'Église catholique, avec son quotidien La Croix, mena une virulente campagne antisémite et réactionnaire. Cela entraîna en retour l'essor de l'anticléricalisme, qui allait aboutir à cette loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905.

À partir de 1901, une nouvelle loi sur les associations servit à combattre les congrégations religieuses, en particulier celles qui se consacraient à l'enseignement. Elles étaient dorénavant soumises à un régime d'autorisation, que le gouvernement leur refusa. Cela conduisit à leur expulsion et à la fermeture de milliers d'écoles catholiques. En 1904, le conflit entre le gouvernement et le Vatican s'envenima. Leurs relations furent rompues. Finalement, la loi de décembre 1905 mit un terme au concordat de 1801.

Cette loi marquait une rupture entre l'État et l'Église sur la base, en réalité, d'un compromis. Si l'État cessait de subventionner l'Église catholique, celle-ci put conserver l'usage des édifices dont l'entretien resta à la charge des communes, en conséquence, à celle des athées comme des croyants. 1905 ne fut que le point culminant du conflit entre l'État et l'Église. Par la suite et jusqu'à nos jours, cette séparation, partielle, allait être remise en cause. L'Église allait, au fil des années, regagner une partie du terrain perdu et récupérer les subsides des fonds publics.

Après la rupture,les rapprochements

La loi de 1905 prévoyait d'inventorier l'ensemble des biens de l'Église. Cette mesure, contre laquelle l'Église mobilisa ses fidèles, fut rapidement abandonnée. Elle prévoyait également la mise en place d'associations non inféodées à la hiérarchie religieuse pour la gestion de ces biens. Le pape refusa et si, en 1924, des associations furent bien mises en place, ce fut sous la coupe des évêques et contrôlées par eux.

Mais c'est principalement dans le domaine de l'éducation, qui avait été le terrain privilégié de l'action des républicains hostiles à l'influence de l'Église, que les reculs se succédèrent.

En 1940, Pétain et le régime de Vichy rendirent aux religieux le droit d'enseigner. En 1942, toutes les congrégations furent à nouveau autorisées. Ces lois vichystes restèrent en vigueur après la chute de Pétain et l'avènement de la Quatrième République.

En 1951, la loi Barangé accorda directement aux écoles privées, au nom de l'égalité avec l'enseignement public, une subvention trimestrielle pour chaque élève scolarisé. Cette loi permit de subventionner à nouveau l'école catholique. En 1959, la loi Debré organisa la prise en charge financière par l'État de ces écoles, à travers la mise en place des contrats dits "d'association". Elle permit que le paiement du personnel y enseignant fût dorénavant pris en charge par l'État. Il faudrait aujourd'hui ajouter à ces mesures générales les moyens supplémentaires offerts par les collectivités territoriales, communes, départements, régions, pour subventionner à longueur d'années cet enseignement privé.

La loi de séparation de l'Église et de l'État prétendait écarter l'Église de la sphère publique? Or l'Église fut aux avant-postes des choix politiques les plus réactionnaires des gouvernements d'Union nationale durant la Première Guerre mondiale. Elle soutint le régime de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale. Hormis à ses marges, elle a continué jusqu'à nos jours à défendre l'ordre, la propriété bourgeoise et les idées rétrogrades.

L'offensive actuelle

Ces derniers temps, une offensive se mène contre cette loi de 1905. Certains la prétendent dépassée et voudraient l'aménager, sinon la supprimer purement et simplement. Sarkozy a fait de cette question un de ses sujets de prédilection.

La présence en France d'une importante minorité de Français de religion musulmane, la montée de l'intégrisme islamique exigeraient selon les partisans de l'aménagement de la loi de 1905 une mise à jour. Mais derrière les remises en cause sous prétexte, entre autres, de la place qu'occupe l'islam aujourd'hui en France, l'Église catholique se tient toujours en embuscade.

Sarkozy, tout en se disant circonspect sur "l'idée de modifier structurellement l'équilibre de la loi ", pense: "Pour autant, doit-on considérer ce qui a été rédigé, il y a un siècle... (comme) ne devant jamais être changé? Je ne le crois pas... Il reste notamment une question à régler... : c'est celle du financement des grandes religions de France."! Bref, c'est la seule chose importante qui reste de la loi de séparation de 1905, le rejet du financement du culte par l'État, que Sarkozy voudrait supprimer.

Il est vrai que Sarkozy, comme ses confrères, compte sur les religieux et leurs organisations pour continuer à assurer ce que Napoléon avait demandé à l'Église catholique: être à l'avant-garde de la défense de l'ordre social existant.

La loi de séparation de l'Église et de l'État a connu bien des accrocs depuis 1905. Raison de plus pour que le combat continue contre la reprise en main de l'école par les religieux de toutes confessions, et plus largement contre leur prétention à imposer leur loi dans tous les aspects de la vie.

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