Russie-Tchétchénie : Simulacre électoral02/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1948.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie-Tchétchénie : Simulacre électoral

Le Kremlin se flatte d'avoir emporté les élections législatives du 27 novembre en Tchétchénie, cette république sécessionniste du Caucase russe que l'armée de Poutine quadrille, après onze ans d'une guerre tantôt ouverte, tantôt larvée. Mais, depuis le temps, Poutine a appris à ne pas trop en faire, du moins de façon trop visible, quand il organise un scrutin dont l'issue ne fait aucun doute, puisque les autorités russes clament depuis des mois que la guerre est finie et que la population est du côté de Moscou, et non pas du côté des indépendantistes.

Finis, en tout cas pour l'instant, les 80%, voire 90% de voix et plus que le régime russe affichait sans vergogne, récemment encore, en Tchétchénie. Finis les taux de participation frisant les 100%, même quand les bureaux de vote, dans la capitale Grozny, étaient vides, comme lors de l'élection présidentielle locale d'octobre 2003. Cette fois-ci, le Kremlin n'annonce «que» 61% de voix pour son parti, Russie Unie, et une participation du même ordre. C'est assez pour emporter la victoire avec un score se voulant sans appel, mais pas trop, ce qui permet aux partenaires occidentaux de la Russie de ne pas avoir à s'indigner, même platoniquement, devant cette parodie d'élections démocratiques.

Car, sur le fond, c'est de cela qu'il s'agit. Une bonne partie des 80000 soldats russes qui tiennent (plus ou moins efficacement) le nord et le centre de la Tchétchénie ont voté comme un seul homme. Dans les campagnes, selon l'organisation russe des droits de l'homme Memorial, les autorités locales avaient été prévenues que si leurs administrés votaient mal, le village aurait à s'en mordre les doigts. Dans des régions dévastées par des années de guerre, cela ne signifie pas seulement être privés d'approvisionnement, donc condamnés à la famine. C'est une menace à peine voilée de représailles de la part des militaires russes et des para-militaires tchétchènes, dont tout le monde sait qu'ils pratiquent les enlèvements de nuit, la prise d'otages contre rançon, la torture systématique de suspects choisis au hasard, l'assassinat terroriste et le pillage des populations, avec ou sans prétexte...

Malgré tout cela, ou bien dans l'espoir que, si Poutine obtient ce qu'il veut, cette horreur finira peut-être, il y a sans doute eu aussi des électeurs tchétchènes pour voter dans le sens qu'attendait le Kremlin. Cela n'empêchera pas la population de continuer à subir le poids d'un chômage quasi général, ainsi que celui de l'armée d'occupation et de ses supplétifs locaux qui la pillent. Enfoncer nombre d'habitants de la Tchétchénie dans le désespoir, cela sert d'ailleurs d'agent recruteur pour d'autres bandes. Sous prétexte de lutte indépendantiste, ou de défense de l'islam, celles-ci rançonnent plus les populations locales qu'elles ne combattent les troupes russes, et leur activité «militaire», quand elle ne couvre pas des trafics sordides (armes, drogue, pétrole, êtres humains), s'exerce de façon terroriste contre des populations russes qui ne sont certes pas responsables de la politique de Poutine.

Mais en attendant le prochain attentat terroriste qui fera des dizaines, sinon des centaines de victimes, comme récemment à Naltchik ou il y a un an et demi à Beslan, les dirigeants russes pourront essayer de faire croire qu'ils ont pacifié et «normalisé» la situation en Tchétchénie.

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