La loi sur le «rôle positif» de la colonisation française : Au temps béni de leurs colonies02/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1948.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La loi sur le «rôle positif» de la colonisation française : Au temps béni de leurs colonies

Les députés ont examiné le 29 novembre une proposition de loi du groupe socialiste visant à abroger l'article 4 de la loi du 23 février 2005 qui exige que «les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord(...)».

Cet article de loi a soulevé à juste titre l'opposition d'historiens, d'enseignants, de diverses associations, comme la Ligue des droits de l'homme, mais aussi de tous ceux que révolte le silence fait sur les massacres coloniaux. Car quel rôle positif pourraient mettre en avant les manuels scolaires? S'agirait-il de la construction de routes, de ponts, de voies de chemin de fer? Mais ces infrastructures furent édifiées en nombre limité essentiellement en fonction des besoins des colons et des métropoles colonisatrices qui acheminaient ainsi produits agricoles ou miniers. La ligne de chemin de fer Congo-Océan qui coûta la vie à 20000 Africains sur les 130000 réquisitionnés pour sa construction est-elle à mettre au bilan «positif» de la colonisation?

Est-il alors question de la construction d'écoles? Mais pour ne prendre que l'exemple de l'Algérie, moins de 10% des enfants algériens étaient alphabétisés en 1954! De toute façon, ces quelques réalisations, utiles avant tout aux colonisateurs, ne peuvent effacer les massacres qui ont jalonné l'histoire de la conquête et de la domination coloniales.

La proposition de loi du Parti Socialiste a été repoussée par les députés de l'UMP, qui persistent et signent, revendiquant par là-même les pires horreurs des guerres coloniales, et des crimes commis contre les peuples qui luttaient pour se libérer de leurs chaînes.

Mais l'indignation des dirigeants du PS s'est exprimée plutôt tardivement. «Nous avons manqué de vigilance lors du vote» s'est senti obligé de dire Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Mieux vaut tard que jamais, dira-t-on, mais ce même Jean-Marc Ayrault a déclaré à la presse que cet article de loi «n'aide pas notre pays à regarder lucidement son histoire. Il réhabilite "le bon vieux temps de la coloniale" et occulte les violences, les exactions. Il y a eu des avancées à cette époque, mais l'essence de la colonisation est un système de domination d'un peuple sur d'autres (...).». À lire une telle déclaration, on pourrait croire que le Parti Socialiste s'est toujours opposé au colonialisme. Mais pour ceux qui ouvrent les «bons» livres d'histoire, elle révèle surtout toute l'hypocrisie dont le PS est capable.

Car c'est bien le gouvernement du Front Populaire du socialiste Léon Blum qui, en 1936, refusa de céder aux revendications des peuples colonisés du Maghreb, et n'abandonna même pas un code de l'indigénat qui les soumettait à un arbitraire total. C'est aussi sous la présidence du socialiste Vincent Auriol avec le socialiste Ramadier comme président du Conseil que la guerre d'Indochine prit toute son ampleur en 1947. C'est encore le gouvernement socialiste de Guy Mollet qui, en 1956, en donnant les pleins pouvoirs à l'armée ( avec ses tortionnaires comme Aussaresse), intensifia la répression contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance.

Alors ce ne sont certainement pas les dirigeants du Parti Socialiste qui peuvent nous aider à «regarder lucidement notre histoire» surtout en ce qui concerne l'histoire coloniale.

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