États-Unis : Delphi licencieur, fraudeur et profiteur02/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1948.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : Delphi licencieur, fraudeur et profiteur

Delphi, l'équipementier automobile américain, ancienne filiale de General Motors et n°1 de son secteur, s'est mis en faillite le 8 octobre dernier. Cette procédure, employée par toutes les grandes sociétés américaines prétendument en difficulté, lui permet de renégocier les dettes avec les créanciers, mais surtout de revoir «légalement» à la baisse tous les contrats de travail avec les salariés.

Le plan de redressement de Delphi est une véritable machine de guerre contre ceux-ci. La direction réclame la suppression de 24000 emplois sur les 34000 existant aux États-Unis, ce qui signifierait la fermeture d'une grande partie des 44 usines. Et pour ceux qui resteront salariés de Delphi, la direction exige des réductions de salaire considérables, allant jusqu'à 60% de celui-ci. En outre, 10000 retraités et leurs conjoints sont menacés de voir fondre leur pension.

Mais quelques jours avant de se mettre en faillite, la direction de Delphi s'était octroyé des cadeaux invraisemblables. Les 21 plus hauts dirigeants s'étaient auto-attribué des parachutes dorés, c'est-à-dire des généreuses primes de licenciement au cas où. En outre, elle a décidé d'accorder des primes exceptionnelles à ses 486 cadres dirigeants. Ces cadeaux-bonus représentent un total de 488 millions de dollars, soit plus de 400 millions d'euros.

Ces décisions ont provoqué l'hostilité des syndicats: «Nous assistons une fois encore au spectacle dégoûtant des personnes au sommet, aux petits soins pour elles-mêmes, et qui demandent dans le même temps des sacrifices extrêmes aux ouvriers et ingénieurs», a déclaré le président du syndicat UAW (United Auto Workers).

Mais même du côté de certains actionnaires, la réprobation s'est installée. Parmi ceux-ci plusieurs fonds de pension ont déposé plainte, pas contre le plan de redressement, les licenciements ou les baisses de salaire, mais contre l'octroi des bonus aux dirigeants. Mettre les employés dehors, passe encore, mais le bonus aux dirigeants est autant de moins pour les actionnaires. La plainte affirme qu'il est injustifié de récompenser des dirigeants responsables de fraudes comptables au cours de ces dernières années. Le fonds de pension Wilmington Trust, qui détient 2 milliards d'obligations, estime que «ce plan extrêmement généreux ne peut que compliquer encore les relations déjà difficiles avec les employés».

Face à cette vague de protestations, le PDG de Delphi, Steve Miller, a prudemment reculé la date de dépôt de son plan de redressement au tribunal des faillites. Il vient d'annoncer qu'il renonçait à la demande d'annulation des clauses concernant les retraites. Grand seigneur, il a annoncé que lui, PDG, se contenterait pour l'instant d'un salaire symbolique d'un dollar par an. Il ne toucherait ni bonus, ni prime, ni retraite spéciale. Mais seulement à compter du 1er janvier prochain.

En quelques semaines, Delphi a fait en résumé ce que font désormais bien des entreprises américaines: licencier leurs salariés par dizaines de milliers, amputer les salaires de manière révoltante, et dans le même temps, accorder à une poignée de privilégiés des avantages financiers extravagants. Ce ne sont plus des accidents, c'est un mode de fonctionnement «normal».

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