Chine : De Jilin à Toulouse02/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1948.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : De Jilin à Toulouse

Il aura fallu dix jours pour que les responsables d'un complexe pétrochimique à Jilin, dans le nord de la Chine, admettent qu'une explosion accidentelle était intervenue le 13 novembre. Elle a provoqué au moins cinq morts, conduit à l'évacuation de plusieurs milliers de personnes, et risque d'affecter gravement la santé de millions d'habitants des villages et des villes situés en aval de la rivière.

Car une nappe polluée par du benzène, longue de 80 kilomètres, a dérivé pour atteindre l'agglomération d'Harbin qui compte neuf millions d'habitants.

Privés d'eau courante, les habitants de celle-ci ont dû être approvisionnés par les camions citernes et par les puits que les autorités ont fait creuser. On ne mesure pas encore les risques encourus, peut-être pendant des années, pour une très vaste région, englobant une partie de la Chine et de la Russie proche, du fait de la pollution de la nappe phréatique.

Dans le cas de l'explosion de Jilin, c'est une société pétrolière chinoise d'État, China National Petroleum Corporation, qui est en cause. Mais depuis 1999, la plus grande partie de son capital a été confiée à une société financière dans le but de l'ouvrir au marché financier international. L'autre société de pétrole chinoise, elle aussi d'État, Sinopec, a quant à elle signé en juillet dernier un accord avec l'américain Exxon et le saoudien Aramco en vue de la construction d'un complexe pétrochimique dans l'est de la Chine, tandis que Total est associé depuis plus de dix ans avec Sinopec dans l'une des principales raffineries chinoises située à Dalian, un port situé à l'est de Pékin. Les normes de sécurité sont-elles meilleures qu'à Jilin? On peut en douter.

Comme on peut douter que les liens établis entre les deux sociétés pétrolières chinoises et des compagnies comme Total se traduisent par une amélioration de la sécurité, ou même par une plus grande transparence des informations concernant les risques des installations pétrolières chinoises.

On a vu comment ici, en France, après l'accident de l'usine AZF à Toulouse, Total a cherché à se disculper et combien la justice a été compréhensive, non pour les victimes, mais pour Total. Le fait qu'en France il existe un ministre de l'Écologie (à l'époque de l'accident d'AZF, c'était un Vert, Yves Cochet), et une opinion publique qui peut s'informer immédiatement et infiniment mieux que dans un pays comme la Chine, n'empêche pas une société comme Total de faire des économies criminelles sur les mesures de sécurité, sans que cela se sache. Même après plusieurs catastrophes humaines et écologiques dont elle a été responsable, cette compagnie n'a rendu de comptes qu'à ses actionnaires. Et ceux-ci ont pu continuer à toucher leurs dividendes.

Du Gabon à la Birmanie, Total ne dédaigne pas de prendre appui sur les dictatures. Celle qui sévit en Chine met cette compagnie à l'abri avec la même opacité que celle dont bénéficient d'autres industriels et financiers «bien de chez nous».

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