Pologne : La droite conservatrice au pouvoir28/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1943.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pologne : La droite conservatrice au pouvoir

Avec les élections législatives le 25 septembre, puis le deuxième tour des présidentielles le dimanche 23 octobre donnant la victoire à Lech Kaczynski, l'agitation électorale vient de se terminer en Pologne. Agitation surtout du personnel politique car, à voir les chiffres de la participation, ces deux élections n'ont pas passionné les électeurs. L'abstention a été massive pour les législatives, puisqu'il n'y a eu que 40% de participation, le record d'abstention depuis 1989. Quant aux présidentielles, la participation a été d'environ 50% au premier tour comme au deuxième.

La gauche discréditée

Toujours est-il que ces divers scrutins électoraux sonnent le retour de la droite aussi bien au Sénat, à la Diète (Chambre des députés) qu'à la présidence de la République. Du côté de la droite, deux partis sont arrivés en tête aux législatives: PiS (Droit et Justice) des frères Kaczynski, avec 26,9% des voix (152 députés), et PO (Plateforme Citoyenne) de Donald Tusk, avec 24,2% des voix (133 députés). Ce sont ces deux partis qui doivent former seuls la nouvelle majorité gouvernementale. Juste derrière, on trouvera les listes de Lepper (11,68%), un démagogue populiste puisant son électorat principalement du côté des petits paysans. Aux récentes élections présidentielles, Lech Kaczynski avait été élu après avoir été devancé par Donald Tusk au premier tour.

Ce retour aux affaires du personnel politique de droite était prévisible. Tous les sondages annonçaient de très faibles scores pour le parti de gauche au pouvoir, la "SLD", l'Entente de la Gauche Démocratique, dont les plus vieux dirigeants sont des anciens du POUP héritier de la "République populaire polonaise" d'avant 1989. Mais la SLD a vite pratiqué le grand écart entre la gestion du capitalisme et son étiquette de gauche.

Cette gauche a d'autant moins donné envie à ses électeurs de continuer à la défendre que, non seulement sa politique sociale et économique est entièrement tournée vers le développement de "l'économie de marché", mais qu'elle s'est largement reniée aussi sur les problèmes de société. L'ancien président Kwasniewski avait par exemple reculé devant les pressions de l'Église catholique. Même avec une majorité en sa faveur entre 2001 et 2005, les lois réactionnaires sur l'avortement n'ont pas été abrogées, la "gauche" cherchant, en contrepartie, le soutien de l'Église pour l'entrée de la Pologne dans l'Union Européenne.

C'est pour ces raisons qu'aux élections législatives du 25 septembre la gauche a subi un recul important, n'obtenant que 11,38% des voix. Le résultat des présidentielles est encore plus pitoyable puisque celui qui était initialement le candidat de la gauche, Cimoszewicz, a retiré sa candidature trois semaines avant le premier tour, suite à des attaques pour des problèmes fiscaux le concernant lui et sa famille. C'est un ancien ministre, Marek Borowski, qui a finalement représenté la gauche, ne recueillant que 10,3% des voix au premier tour.

En fait, depuis 1989, toutes les équipes au pouvoir ont fait une politique au service du développement du capital, industriel et financier, polonais et international. Des affairistes de tous les bords, aussi bien des hommes liés à l'ancien régime que ceux liés à la droite, ont bâti rapidement des fortunes. Mais surtout ce sont les "investisseurs" occidentaux qui en ont bénéficié, et ce bien avant l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne, provoquant un appauvrissement de la population laborieuse dû entre autres à une forte montée du chômage qui avoisine officiellement les 20%.

La réaction catholiqueau gouvernement

Les partis arrivés en tête cette fois-ci affichent ouvertement leur programme réactionnaire et leurs préjugés rétrogrades. Les frères Kaczynski, conseillers de Walesa dès les premières heures de Solidarité, ont créé le parti Droit et Justice (PiS). C'est un parti conservateur, catholique et nationaliste, et qui était opposé à l'entrée dans l'Union européenne. PiS a fait une campagne démagogique sur le plan social, promettant de lutter contre le chômage. Mais il a aussi développé sa démagogie sur le plan des moeurs. Lech Kaczynski se dit partisan du rétablissement de la peine de mort. Il s'est illustré par des discours homophobes déclarant qu'il défendait " les gens normaux". Jusqu'à présent maire de Varsovie, il a interdit la manifestation de ceux qui, à l'instar des "Gay Pride" dans les capitales d'Europe de l'Ouest, voulaient organiser un défilé homosexuel à Varsovie en 2004. Il a fait intervenir violemment la police contre ceux qui bravaient cette interdiction.

Andrzej Lepper, arrivé en troisième position derrière Tusk et Kaczynski au premier tour des élections présidentielle (15,1% des voix), a forgé sa popularité en organisant, il y a quelques années, des barrages de petits paysans. Son syndicat, Samoobrona (littéralement: Auto-défense) qui regroupe des paysans souvent ruinés, lui a servi de tremplin pour ses ambitions politiques. Il est aussi connu pour sa vulgarité à l'encontre de ses opposants, pour ses déclarations provocatrices, voire antisémites.

Un autre parti, la Ligue des Familles Polonaises (LPR), qui a obtenu près de 8% des voix, a pour programme: religion, famille, patrie. Il est soutenu ouvertement par une radio ultra-catholique pour qui Walesa est, sinon un rouge, tout au mois un renégat. Son dirigeant, Giertych, est issu d'une famille de vieille tradition d'extrême droite fascisante d'avant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont ces organisations, Samoobrona et la Ligue des Familles Polonaises, qui ont fait passer Lech Kaczynski devant Tusk au deuxième tour.

Autant dire que tous ces individus vont profiter du gouvernement pour mener une politique qui aura de quoi ravir l'Église polonaise. Sur ce plan ils tiendront sans doute leurs promesses et même plus encore. "Eurosceptiques" ou pas, leurs députés pourront faire quelques déclarations sans conséquences dans ce moulin à paroles qu'est le Parlement européen. Quant à la "fracture sociale" contre laquelle ils disent vouloir s'insurger, on verra rapidement ce qu'il en est de cette démagogie électorale, car il est évident que, comme tous les gouvernements précédents, ils seront au service des intérêts des capitalistes.

Alors il ne leur restera que ce qui ne coûte rien, le domaine des moeurs, de la morale, pour montrer qu'ils tiennent leurs promesses; et sur ce terrain-là comme sur les autres, cela n'annonce rien de bon pour les travailleuses et les travailleurs polonais.

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