Il y a soixante ans : L'ONU fut créée pour tromper les peuples28/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1943.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a soixante ans : L'ONU fut créée pour tromper les peuples

À l'occasion du soixantième anniversaire de l'ONU (Organisation des Nations unies), officiellement créée le 24 octobre 1945, le débat est relancé pour savoir s'il ne faudrait pas la réformer car elle serait devenue inadaptée au monde actuel, qui ne correspond plus à celui de sa naissance en 1945.

Mais à quel besoin la création de l'ONU répondait-elle à l'époque? Celui de faire illusion, de faire croire aux peuples que le camp des vainqueurs de la guerre, dominé par les États-Unis, représentait le camp de la paix, de la justice, des libérateurs défenseurs de la Liberté avec un grand L. Sans doute répond-elle moins bien aujourd'hui à cette fonction et fait-elle moins illusion? En tout cas, certains s'en inquiètent.

"Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre, (...) tenons à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites..." Tel est le début de la Charte de San Francisco qui, le 26 juin 1945, avait fixé les principes de l'ONU. Elle fut adoptée à l'origine par 51 pays parmi lesquels les États-Unis, l'URSS, la Grande-Bretagne et des États comme la France qui s'étaient rangés dans le camp des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Les principes énoncés étaient -déjà- non seulement en décalage, mais en contradiction complète avec la réalité.

Car la capitulation de l'Allemagne nazie le 8 mai 1945 ne signifiait pas que les relations entre États deviendraient désormais pacifiques. Les actes de barbarie perpétrés par les vainqueurs en témoignent. Les dirigeants de la Grande-Bretagne avaient fait bombarder Dresde, le 13 février 1945, sans autre objectif que de terroriser les populations. Le 10 mars, ce furent plus de 100000 morts en 24 heures à Tokyo, victimes des bombes incendiaires américaines. Le général américain Curtis LeMay, qui se vantait de vouloir "ramener le Japon à l'âge de pierre", déclarait: "Nous avons intérêt à gagner, car sinon nous serons accusés de crimes de guerre." La France ne fut pas en reste en massacrant, le 8 mai 1945, des manifestants algériens à Sétif.

Le Japon était déjà vaincu militairement quand, les 6 et 9août, les États-Unis lancèrent les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Par ces souffrances infligées à la population japonaise, les États-Unis laissaient planer la menace atomique sur le monde entier. Mais tout cela n'empêcha pas les dirigeants des impérialismes vainqueurs de se proclamer les garants de la paix universelle.

L'organisation de l'ONU a, dès le départ, reflété l'entente conclue sur le dos des peuples entre les dirigeants des grandes puissances victorieuses, Roosevelt pour les États-Unis, Churchill pour la Grande-Bretagne et Staline pour l'URSS, à la conférence de Yalta en février 1945. Elle fut confirmée lors d'une nouvelle rencontre au sommet à Potsdam, près de Berlin, du 17 juillet au 2 août. Les trois grandes puissances -la France étant alors considérée comme quantité négligeable et n'ayant qu'une place marginale- se sont partagé le monde afin d'y jouer le rôle de gendarme, chacune dans sa zone d'influence. Truman, qui avait remplacé Roosevelt à la tête des États-Unis, venait d'apprendre le succès de l'expérimentation de la bombe atomique dans le désert du Nouveau-Mexique, qu'il allait utiliser contre les habitants de deux villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki.

Dès la naissance de l'ONU, il était donc criant que les principes énoncés dans sa Charte n'étaient qu'une déclaration de façade.

Les fondateurs de l'ONU affirmaient "l'égalité souveraine de toutes les nations membres"... avec, cependant, certains États plus égaux que d'autres. En effet les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'URSS, ainsi que la France et la Chine (alors dirigée par un dictateur allié des États-Unis, Tchang Kaï-Chek), furent désignés comme les cinq "membres permanents" du Conseil de sécurité de l'ONU, dotés du privilège de pouvoir bloquer toute décision qui ne leur serait pas favorable. Quand les puissances coloniales -par exemple la France- réprimèrent des luttes de libération nationale, l'ONU s'en mêla le moins possible, considérant qu'il s'agissait "d'affaires relevant exclusivement de la compétence nationale d'un État". Pour ne parler que de la France, outre la guerre d'Indochine, ce fut également le cas pour les répressions de l'insurrection malgache en 1947 et des émeutes de Casablanca au Maroc en 1951.

Depuis l'origine, l'ONU fut donc "une caverne de brigands", selon l'expression qu'avait employée Lénine à propos de la Société des Nations, l'ancêtre de l'ONU créée à l'issue de la Première Guerre mondiale, qui se référait aux mêmes principes de "paix universelle". L'URSS était l'un des membres fondateurs de l'ONU. Mais en 1945, ce n'était plus le pays de la Révolution qui, en 1920, dénonçait les calculs des impérialistes qui se camouflaient derrière les déclarations généreuses de la SDN. C'était l'URSS de Staline, prête à une alliance avec l'impérialisme.

Quand les États-Unis rompirent l'alliance avec l'URSS stalinienne moins de deux ans plus tard et pratiquèrent ce qu'on a appelé "la guerre froide", l'ONU s'aligna derrière leur politique. Ainsi, en 1950, alors que l'URSS avait usé de son droit de veto à l'ONU pour s'opposer à une expédition militaire dirigée par les États-Unis en Corée, ces derniers n'en tinrent pas compte et la guerre de Corée fut menée au nom des Nations unies, avec le général américain Mac Arthur comme commandant en chef des forces de l'ONU. Des corps expéditionnaires de quinze États, dont la France et la Grande-Bretagne, y participèrent.

Parfois, il est vrai, des "résolutions" furent prises à l'ONU en faveur des droits d'un peuple, mais elles restèrent lettre morte dès lors qu'elle gênaient l'intérêt de l'impérialisme américain ou de ses alliés. Celles sur le conflit israélo-palestinien n'ont pas empêché les Palestiniens d'être condamnés à vivre dans des camps et de subir les attaques de l'armée israélienne, avec la complicité des États-Unis. Avec ou sans l'ONU, les grandes puissances ont continué à mener leurs agressions.

Toutes les réformes de l'ONU n'y pourront rien. Ce qu'il y a besoin de changer, c'est le monde fondé sur l'exploitation et l'oppression des peuples, dont l'ONU n'est qu'un instrument parmi d'autres.

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