De l'IGF à l'ISF : Histoire d'un petit impôt sur les grandes fortunes28/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1943.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

De l'IGF à l'ISF : Histoire d'un petit impôt sur les grandes fortunes

L'imposition des grandes fortunes figurait parmi les 110 propositions du candidat Mitterrand en1981 et ce fut une des rares dont il s'acquitta. Ainsi donc vint au monde en 1982 l'impôt sur les grandes fortunes, l'IGF.

À l'époque on parlait encore en francs. Ce sont les fortunes, c'est-à-dire les patrimoines, de plus de 3 millions de ces francs qui furent imposées. Progressivement et petitement: 0,5% pour les fortunes entre 3 et 5millions de francs, 1% entre 5et 10 millions et 1,5% au-dessus de 10 millions de francs. Mais déjà les oeuvres d'art, tableaux, tapis et tous les objets de collection de plus de 100 ans d'âge ornant les demeures cossues n'étaient pas considérés comme faisant partie de ces fortunes. Déjà aussi, "l'outil de travail", c'est-à-dire les entreprises, échappait à l'impôt. Le ministre du Budget était alors... Fabius. Et, en 1983, il n'y eut guère plus de 100000 personnes pour déclarer au fisc leur "grande fortune" et cela ne rapporta que 2,7 milliards de francs, soit à peine 0,6% des recettes fiscales de l'année.

C'était sans doute encore trop pour la droite puisque, en 1986, après qu'elle eut gagné les élections législatives, le Premier ministre, Chirac, supprima l'IGF au prétexte qu'il était "inquisitorial et pervers".

Avec le retour de la gauche, en 1988, revint aussi l'imposition des plus riches. Nouveauté, on ne parla plus d'IGF mais d'ISF, d'impôt de solidarité sur la fortune, son produit devant servir à financer le RMI. Mais Mitterrand savait tempérer ses ardeurs contre les plus riches: "Il sera bon de ne pas élargir le champ des foyers assujettis à cet impôt et d'intégrer l'inflation dans le calcul de l'abattement à la base." L'ISF a bien sûr maintenu l'exonération de l'outil de travail, qu'il s'agisse d'entreprises, de forêts ou de vignobles, ainsi que des tableaux de maître et autres meubles de collection qui garnissent les pénates des milliardaires

C'est encore la gauche qui fit voter un plafonnement de manière à ce que le total payé par les malheureux riches, au titre de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, ne puisse être supérieur à 70% (puis, plus tard, à 85%) des revenus qu'ils perçoivent dans l'année. Et il y aurait de quoi s'y perdre, puisque c'est Juppé alors Premier ministre de Chirac qui, en 1996, fit voter un "plafonnement du plafonnement" (!) afin que cette limitation ne s'applique pas aux patrimoines les plus élevés!

En 1997, quand la gauche revint aux affaires, alors qu'elle s'était engagée à élargir l'assiette de l'ISF aux biens professionnels, elle ne le fit pas. C'est ainsi que Pinault, patron, entre autres, du Printemps, de la Redoute et de la FNAC, alors neuvième fortune de France, ne paya pas l'ISF!

Depuis 2002, le feuilleton continue. Un des épisodes marquants a été celui de la loi Dutreil, du nom du ministre qui offrit aux actionnaires minoritaires de sociétés des allégements allant jusqu'à 50% de leur ISF.

Pour les cousus d'or, tous les épisodes se concluent par un happy end. Mais pour les recettes fiscales de l'État, l'ISF reste une obole: 2,3 milliards d'euros, soit 0,8% de tous les impôts.

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