Hôtel de l’Espérance (Paris XIXe) : Une expulsion qui vaut de l’or pour le promoteur06/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1940.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Hôtel de l’Espérance (Paris XIXe) : Une expulsion qui vaut de l’or pour le promoteur

Derrière une expulsion d'immigrés avec force déploiement de CRS, se cache bien souvent le calcul électoraliste d'un Sarkozy, chassant sur les terres de l'extrême droite devant les caméras de télévision, opportunément présentes. Mais il peut exister d'autres calculs, en espèces sonnantes et trébuchantes, comme l'a montré l'opération menée par la préfecture de Paris, vendredi 30 septembre, à l'Hôtel de l'Espérance, dans le 19e arrondissement de Paris.

À l'aube, dix cars de CRS sont venus y déloger une vingtaine de célibataires. Pourtant, il ne s'agissait pas d'un squat. Les locataires, dont beaucoup sont des travailleurs immigrés à la retraite (le plus âgé a 74 ans), paient régulièrement leur loyer, souvent depuis des années. L'immeuble est légalement pourvu d'eau, d'électricité, de chauffage et de téléphone. S'il est ancien, c'est loin d'être un taudis et il n'est frappé d'aucun arrêté d'insalubrité ni de péril. Alors?

Il se trouve que l'an dernier, un promoteur a acheté le bâtiment pour 300000 euros, une somme dérisoire. Depuis, celui-ci veut faire place nette et expulser les occupants pour rentabiliser son investissement.

Le nouveau propriétaire avait donc refusé d'entreprendre les travaux de remise aux normes, et signifié leur congé aux locataires. Le 19 juillet dernier, un commando de gros bras avait fait irruption dans l'immeuble, brisant les portes et intimidant les locataires pour les pousser à déguerpir. Ces derniers ayant porté l'affaire en justice, le tribunal devait se prononcer le 4 octobre. Au mépris des formes légales, la police est intervenue, pour le plus grand profit du promoteur. Comme on le voit, si ce dernier avait usé d'amitiés haut placées pour favoriser son petit business, les choses ne se seraient pas passées autrement.

Cette expulsion fait suite aux précédentes, où les enjeux financiers n'étaient jamais très loin derrière les matraques des CRS. Ainsi, Le Canard Enchaîné du 7 septembre dernier donnait quelques détails sur les bénéfices engrangés par des margoulins qui achètent des immeubles squattés pour une bouchée de pain, afin de les louer à prix d'or une fois débarrassés de leurs occupants et rénovés. Le tout sous couvert de réaliser des logements sociaux, et en mettant l'argent public à contribution pour financer les travaux.

Samedi 1er octobre, une manifestation de soutien aux locataires de l'Hôtel de l'Espérance a rassemblé plusieurs centaines de personnes. Une «table ronde» doit prochainement avoir lieu avec la préfecture et la mairie. Mais en attendant, les expulsés, qui ont trouvé refuge dans un gymnase proche, n'ont reçu aucune proposition de relogement. Et ils redoutent une nouvelle intervention policière qui les délogerait de leur abri de fortune.

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