Économies et mépris,ce n’est pas de l’éducation06/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1940.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Économies et mépris,ce n’est pas de l’éducation

Les syndicats de l'Éducation nationale ont appelé à la journée de grève du 4 octobre et les raisons d'y participer étaient en effet très nombreuses.

Il y a d'abord le manque de moyens, comme d'habitude: en trois ans, 15000 postes d'enseignants ont été supprimés, ce qui est sans commune mesure avec la baisse du nombre d'élèves; plus de 10000 enseignants non titulaires n'ont pas été repris à la rentrée 2005. Sur le terrain, cela se traduit par des suppressions de classes dans le primaire, des classes surchargées et des suppressions d'options dans le secondaire. Le personnel d'encadrement éducatif (surveillants, conseillers d'éducation...) accuse aussi un déficit de 30000 emplois sur trois ans. Après les emplois-jeunes, les assistants d'éducation, le gouvernement a trouvé une nouvelle formule d'emplois précaires: les «emplois vie scolaire», qui ne représenteront que 20000 emplois nouveaux. Déficit toujours... et le budget 2006 prévoit 2000 suppressions de postes supplémentaires.

Mais à ces problèmes permanents vient s'ajouter le nouveau décret sur les remplacements, qui a déclenché le mécontentement des enseignants mais aussi celui de certains parents d'élèves. C'est une mesure démagogique, présentée comme utile aux élèves mais qui a de fortes chances de se révéler, à l'usage, totalement inefficace. C'est aussi une attaque en règle, une de plus, contre les conditions de travail des enseignants.

Il est prévu qu'en cas d'absence de courte durée, pas plus de deux semaines, un enseignant devra être remplacé par un de ses collègues. Jusqu'au premier janvier 2006, cela se fera au volontariat, mais ensuite le remplaçant pourra être réquisitionné. Il devra être de la même discipline... dans la mesure du possible et sera prévenu au plus tard vingt-quatre heures à l'avance. Le maximum d'heures supplémentaires imposées ne pourra dépasser cinq par semaine ou soixante sur l'année.

On peut remarquer, en passant, que la plupart des congés maladie étant souvent donnés sous forme de quinze jours d'arrêt renouvelés plusieurs fois, la notion d'absence de courte durée est donc très élastique! Mais le fond du problème c'est que, sous prétexte de ne pas léser les élèves, il s'agit avant tout de faire des économies: payer un professeur en heures supplémentaires, cela revient moins cher que de créer des postes de titulaires-remplaçants, surtout si, au passage, on supprime des postes de surveillants. On voit aussi pointer la flexibilité et l'augmentation des heures de service des enseignants, dont rêvent tous les ministres de l'Éducation depuis des décennies. Si un professeur peut, pour cause de remplacement, faire 23 heures de présence au lieu de 18, pourquoi ne pas transformer cet essai en une obligation de service hebdomadaire?

Quant à l'élève que, paraît-il, tous les ministres mettent «au coeur» du système scolaire, il sera surtout au coeur d'une belle pagaille: son professeur de français sera peut-être remplacé par un professeur d'anglais, seul disponible à ce moment-là et qui ne connaîtra pas forcément la classe en question; puis - pourquoi pas?- par un professeur de mathématiques, etc. Tout cela au nom de la «continuité de l'enseignement» qui se résumera à un assemblage d'exercices improvisés par des enseignants, peut-être prévenus la veille, et sûrement mécontents d'être considérés comme des bouche-trous.

On voit la haute idée que le ministère se fait de l'éducation: qu'importe le contenu et les conditions d'enseignement, pourvu que les élèves soient bien gardés!

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