Déficit de la Sécurité sociale : L’art de culpabiliser la population06/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1940.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Déficit de la Sécurité sociale : L’art de culpabiliser la population

Pour la énième année consécutive, la Sécurité sociale est dans le rouge. Pour la énième fois, le gouvernement tente de culpabiliser les malades. Mais il ne prévoit rien pour colmater le gouffre qui grève le budget de l'État.

À la fin de l'année 2005, le «trou» du régime général, celui qui couvre l'ensemble des travailleurs salariés pour la maladie, les accidents du travail, la vieillesse et les allocations familiales, devrait atteindre 11,5 milliards d'euros. C'est la même somme que l'année dernière et les experts prévoient que ce sera à peu près la même chose l'an prochain.

Les assurés sont pointés du doigt, suspectés de trop dépenser pour leur santé. Ceux atteints de maladies de longue durée sont dans le collimateur : ils coûteraient trop cher, en faisant prendre en charge à 100% y compris les affections qui ne sont pas dans le cadre de leur maladie chronique. Et on nous ressert la prétendue nécessité de «responsabiliser» les malades.

Depuis janvier dernier, on est taxé d'un euro non remboursable par consultation ou acte médical, le forfait hospitalier a été augmenté, l'assiette de la CSG a été élargie. À partir du 1er janvier prochain, pour les assurés qui n'auront pas satisfait au «parcours de soins» via la désignation de leur «médecin traitant», il en coûtera plus cher de consulter un spécialiste. En quelques années, de nombreux médicaments ont vu leur taux de remboursement diminué, d'autres ont été déremboursés. Le catalogue est long, de toutes les mesures prises par les gouvernements qui se sont traduites par un accès aux soins de plus en plus cher, et donc de moins en moins efficace pour ceux qui n'en ont pas les moyens. Mais le trou de la Sécurité sociale a continué à se creuser.

On ne sait pas ce qui sortira de la discussion prochaine du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006. Le gouvernement a émis un temps l'idée de faire payer à l'industrie pharmaceutique une taxe forfaitaire entre 50centimes et un euro par boîte de médicaments remboursable. Mais, si on en croit le ministre de la Santé, cette taxe ne serait «pas souhaitée par le Premier ministre». Des déremboursements sont prévus pour le 1er janvier 2006, mais les médicaments veinotoniques ont un sursis de deux ans, pendant lesquels ils continueront à rapporter gros aux laboratoires dont les lamentations ont été entendues par le gouvernement. Et puis, il y a la proposition proprement scandaleuse de laisser 18 euros à la charge des malades pour toute grosse intervention chirurgicale, tout acte médical dépassant les 91 euros et qui risque, elle, d'être mise en place.

À moins de s'en prendre aux profits mirifiques de l'industrie pharmaceutique et des fabricants de matériel médical, il n'y a aucun moyen d'équilibrer le budget de la Sécurité sociale en diminuant les dépenses. Dans un pays riche, où les progrès de la médecine ont été tels qu'ils ont permis un allongement considérable de l'espérance de vie en quelques décennies, la population peut et doit nécessairement dépenser plus pour sa santé. Et il faudrait cesser de culpabiliser les assurés sociaux avec des dépenses qui ne sont que la conséquence de ce progrès.

D'autant qu'il est un «trou» dont on ne parle pas et qui est bien plus profond: celui du budget de l'État. Sur un budget annuel autour de 275 milliards d'euros, l'État est en déficit, chaque année, de près de 50 milliards. Année après année, il emprunte auprès des organismes financiers, avec intérêt bien sûr, au point que la dette de l'État se chiffre aujourd'hui à plus de... mille milliards d'euros et s'accroît, chaque semaine, d'un milliard d'euros supplémentaires par le jeu en particulier des intérêts.

Mais là on n'entend pas parler de la nécessité de responsabiliser les marchands d'armes qui sont parmi les principaux bénéficiaires de ces dépenses somptuaires de l'État, ni de «responsabilisation» des banquiers qui s'engraissent sur ces emprunts.

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