Ceuta, Melilla : Une digue contre les pauvres06/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1940.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ceuta, Melilla : Une digue contre les pauvres

Il aura fallu de spectaculaires assauts de masses d'émigrants contre les clôtures de Melilla, et la mort de cinq personnes dont un bébé, tuées par balles à Ceuta, pour que le sort d'hommes prêts à tout pour passer d'Afrique vers l'Europe via l'Espagne fasse un peu la Une de l'actualité.

De ce côté-là de la Méditerranée, chaque année des milliers de ces candidats au passage meurent, victimes de naufrages en tentant de franchir le détroit de Gibraltar sur des embarcations de fortune, ou en essayant de rejoindre par voie terrestre ces petits bouts d'Union européenne que sont les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, sur les côtes marocaines.

L'organisation Médecins sans frontières estime que, dans les dix dernières années, 6 300 personnes ont trouvé la mort autour de ces deux minuscules territoires où les autorités espagnoles et marocaines collaborent pour empêcher cette émigration du désespoir.

Ces candidats à l'émigration qu'on qualifie de clandestine, originaires principalement d'Afrique noire, confluent vers ces points d'entrée en Europe. Ils tentent le tout pour le tout en essayant de franchir en masse les clôtures ceinturant les enclaves, en sachant que, ce faisant, ils risquent l'échec, voire la mort. Lors d'une dizaine de tentatives d'assaut, 11000 d'entre eux auraient ainsi tenté de pénétrer de cette façon dans Melilla depuis le début de l'année. Pour ceux qui réussissent, il y a l'espoir, du fait des législations actuelles, d'être remis en liberté en Espagne à l'issue d'une période en camp de rétention.

En fait, on assiste à Ceuta et à Melilla à une véritable guerre contre les pauvres. Ces villes sont devenues deux forteresses dont les doubles clôtures d'enceinte ressemblent à celles de camps de concentration, que les émigrants tentent de franchir avec des échelles de fortune. Contre leurs tentatives répétées, le gouvernement espagnol vient de décider l'envoi d'un millier de soldats supplémentaires. Quant au gouvernement marocain, qui a également augmenté ses effectifs militaires dans la région, il n'a pas hésité à utiliser son aviation contre eux. Les gouvernements espagnol et marocain sont tellement liés que l'on ne sait pas de quel côté, espagnol ou marocain, venaient les balles qui ont tué à Ceuta.

Mais si la hauteur des barrières isolant ces enclaves peut s'élever toujours davantage, si les fortifications peuvent continuer à se renforcer et les balles à tuer, elles n'arriveront pas à empêcher ceux qui n'ont à perdre que leur vie de tenter le passage, de ce côté-là de la Méditerranée ou d'un autre, vers ce qui leur apparaît comme la seule issue à leur détresse, à leur misère, à une situation invivable.

Cette misère, ce sont les classes dirigeantes des pays dits riches qui l'ont fabriquée depuis plusieurs siècles. Ils ont beau tenter de la contenir par tous les moyens, elle continuera à revenir frapper à leur porte.

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