Sans-papiers - Accès aux soins plus difficile : Une mesure odieuse et imbécile04/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1931.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sans-papiers - Accès aux soins plus difficile : Une mesure odieuse et imbécile

Deux décrets destinés à durcir les conditions d'attribution de l'Aide médicale d'État (AME) viennent d'être publiés au Journal Officiel. L'AME permet aux étrangers sans papiers les plus démunis, ceux disposant de moins de 576 euros par mois, d'avoir accès à des soins gratuits.

Depuis quelques mois, les sans-papiers concernés étaient tenus de justifier de leur identité, au moins par une déclaration sur l'honneur, et de justifier d'une durée de présence sur le territoire français d'au moins trois mois. Ils devront désormais fournir, outre une photo d'identité, un certain nombre de documents prouvant leur présence en France durant ces trois mois: lettre de traducteur officiel (un document non seulement payant mais coûteux), certificat d'hébergement, quittance de loyer...

Ces documents sont souvent difficiles voire parfois impossibles à produire étant donné la situation de précarité que connaissent une grande partie de ces hommes et de ces femmes. Une quittance de loyer, alors qu'il est impossible de louer un appartement à un sans-papiers? Un certificat d'hébergement, alors qu'héberger des «clandestins» est passible d'une condamnation par les tribunaux? Cette liste apparaît si ouvertement comme un blocage administratif que le décret qui l'établit ajoute «ou tout autre document», laissant ainsi une marge à l'appréciation de la situation par l'administration.

Le second décret prévoit que le bénéfice d'un hébergement ou d'un logement gratuit - même une cave, un squat - sera désormais estimé comme un avantage en nature faisant partie des ressources.

Autant de conditions qui visent à diminuer le nombre de bénéficiaires de l'AME, actuellement de 158 000, sur 400 000 étrangers en situation irrégulière selon le ministère de l'Intérieur. Le prétexte officiel est d'ailleurs de réduire le coût de cette AME.

Mais c'est un prétexte fallacieux, ne serait-ce que parce que l'AME ne représente que 0,5% des dépenses de santé. Ces chicanes sont non seulement odieuses, puisqu'elles visent à priver de soins des gens qui en ont besoin, mais stupides, comme le dénoncent diverses associations humanitaires, Médecins du Monde, Act Up, et Patrick Pelloux, le président de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France, qui déclarait dans une interview à L'Humanité: «On nous fait croire que cette aide médicalisée coûte cher (...) Or la restriction de son accès risque de conduire à un drame sanitaire pour toute la collectivité sans pour autant réduire les dépenses. (...) des foyers infectieux peuvent se développer en France. Nous avons démontré que l'AME, en favorisant l'accès aux soins, permet de les endiguer.» Et il ajoutait: «Avec cette mesure inique, qui exclut de fait les sans-papiers du système de soins, les malades seront marginalisés. S'ils n'ont pas les moyens de se soigner, ils laisseront les infections progresser.(...) Les personnes qui ne se soignent pas arriveront tôt ou tard aux urgences. (...) Or les soins d'urgence coûtent plus cher que les traitements antibiotiques ou préventifs. »

Mais dans cette affaire, ce ne sont ni l'humanisme ni la raison qui guident le gouvernement: c'est la chasse aux voix de la partie raciste et xénophobe de l'électorat réactionnaire.

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