La famine au Niger04/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1931.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La famine au Niger

Les responsables de la catastrophe font du spectacle

Ce qui se passe au Niger est profondément révoltant. Plus de trois millions de personnes souffrant de pénurie alimentaire, 800000 enfants de moins de 5 ans affamés, dont peut-être 150000 atteints de malnutrition sévère.

Ce n'est pas dû à un brutal coup du sort. La catastrophe était annoncée par des organismes de l'ONU depuis octobre 2004, en raison de la faiblesse des récoltes. Mais pratiquement rien n'a été fait par les grandes puissances, par l'Union européenne, et par la France. L'invasion des criquets avait été signalée elle aussi en temps utile, mais les moyens nécessaires - dérisoires de la part d'un pays riche - avaient fait défaut pour en enrayer les ravages.

Alors, aujourd'hui, la pantomime médiatique à laquelle vient de se livrer le ministre Douste-Blazy le 29 juillet à Niamey, capitale du Niger, ne fait qu'ajouter à l'écoeurement.

Se faisant filmer pour la télévision en train d'exalter «l'aide de la France», à côté de quelques tonnes de produits alimentaires et pharmaceutiques dans un Boeing qui venait d'arriver à point nommé, il s'est posé en grand moralisateur, dénonçant «l'avarice des pays riches» comme s'il n'était pas là en tant que représentant de l'État d'un de ces pays riches. Il a trouvé le moyen de lier un appel tout symbolique à relancer l'aide au développement à... la nécessité de la lutte contre le terrorisme. Selon lui, pour assurer la sécurité en Europe, mieux que par des caméras dans le métro ou l'accroissement des contrôles aux frontières, il faudrait «se mobiliser au Niger, au Soudan et dans toutes les zones d'extrême pauvreté».

Mais justement, les causes profondes de la pauvreté de ces pays, de leur incapacité à faire face à des mauvaises conditions climatiques, relèvent de la responsabilité directe des ex-puissances colonisatrices qui les ont pillés, et des puissances impérialistes. Si, jusqu'à il y a quelques semaines, le gouvernement nigérien a refusé de distribuer gratuitement de la nourriture, avec pour raison invoquée - ne pas déstabiliser les cours des céréales- , cette décision avait été prise avec l'aval des dirigeants français et de l'Union européenne. Il y en eut même parmi eux pour ajouter que cela éviterait de donner aux populations l'habitude de recevoir sans rien faire! Exemple: un responsable de l'Union européenne estimant que: «Les distributions gratuites sont la porte ouverte à des choses qui ne sont pas souhaitables». Faut-il croire que laisser des enfants mourir de faim fait partie, pour cet individu, des choses souhaitables?

Le gouvernement nigérien a sûrement sa part de responsabilité au passage. Mais si, aujourd'hui, les soins ne sont plus gratuits au Niger, par exemple, c'est au nom du «recouvrement des coûts» imposé par les organismes internationaux aux services publics des États «surendettés». Cela signifie que les centres de santé publique doivent utiliser l'argent des consultations pour financer leurs besoins en médicaments et en matériel. Une consultation peut coûter jusqu'à 1000 francs CFA, c'est-à-dire l'équivalent d'une journée de travail d'un ouvrier agricole, alors que 63% de la population du Niger vit en-dessous du seuil de pauvreté. Ce n'est que récemment qu'il a été décidé de ne plus faire payer les consultations des enfants atteints de «malnutrition sévère», c'est-à-dire condamnés à mort à très court terme s'ils ne sont pas soignés...

Aujourd'hui, le gouvernement français éprouve le besoin d'envoyer un Douste-Blazy sur place juste le temps de se faire photographier sous une tente où des enfants sont au seuil de la mort. Peut-être à cause de la concurrence médiatique de Bernard Kouchner! Quoi qu'il en soit, en fait de «mobilisation» contre l'extrême pauvreté, le geste se solde concrètement par une misérable aumône: Chirac a annoncé un renforcement de l'aide française au Niger pour l'année 2005, qui se montera à 4,6 millions d'euros en ce qui concerne les programmes alimentaires. À titre de comparaison, le coût de la mission de l'ONG Médecins Sans Frontières pour le Niger représente à elle seule 12 millions d'euros.

Le gouvernement de la France des capitalistes se soucie avant tout de la bonne santé des profits des grands patrons: il n'a en réalité que faire du sort des enfants africains.

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