Irlande du Nord : L’IRA et l’arrêt de la lutte armée04/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1931.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irlande du Nord : L’IRA et l’arrêt de la lutte armée

L'annonce faite par l'IRA, l'Armée Républicaine Irlandaise, ordonnant «la fin de la campagne armée» à compter du 28 juillet à 16heures, n'a pas manqué d'être saluée par le gouvernement britannique, relayé par les médias, comme un «coup de théâtre» et un «événement historique» susceptible d'«ouvrir un avenir nouveau à l'Irlande du Nord».

Or il ne s'agit pas d'un coup de théâtre et encore moins d'un tournant historique susceptible d'en finir avec l'héritage empoisonné laissé dans cette partie de l'Irlande par plus de quatre siècles d'occupation britannique.

Rappelons qu'en 1921, la partie nord de l'Irlande resta à la Grande-Bretagne, après que celle-ci avait dû concéder son indépendance à la République d'Irlande au terme d'une guerre sanglante. La bourgeoisie anglaise consolida sa domination en achetant (pour des miettes) la loyauté de la majorité protestante du nord tout en attisant sa peur de se voir un jour submergée par le sud catholique. Du même coup, le capital anglais put surexploiter une classe ouvrière du nord affaiblie par cet antagonisme religieux. Il en résultat une poudrière sociale, qui finit par exploser à la fin des années soixante.

Mais ceux qui prirent la tête des quartiers ouvriers en révolte, aussi bien catholiques que protestants, furent des nationalistes s'appuyant sur les divisions existant dans la population. Du côté catholique, les Républicains de Sinn Fein et de son aile militaire, l'IRA, levèrent le drapeau de l'unification de l'Irlande, mais en traitant les ouvriers protestants sinon comme des ennemis, en tout cas comme des auxiliaires de l'occupant. Cela rejeta la majorité des quartiers ouvriers protestants dans les bras des politiciens «unionistes» sur lesquels s'appuyaient Londres et des groupes paramilitaires «loyalistes», chargés des basses besognes de l'armée britannique.

Il s'ensuivit deux décennies d'une guerre civile larvée, qui fit des milliers de morts dans les deux camps - mais plus particulièrement dans la minorité catholique - et s'étendit au territoire britannique sous la forme de campagnes terroristes menées essentiellement par l'IRA.

En nationalistes bourgeois conséquents, les Républicains ne voulaient pas bouleverser l'ordre existant. Le fait de recourir aux armes n'était pour eux qu'un moyen de s'imposer aux yeux de l'État anglais comme la seule force capable de faire la police dans les quartiers catholiques. Et, dès le début des années quatre-vingt, ils s'efforcèrent de capitaliser sur le plan électoral le contrôle qu'ils avaient acquis sur la population de ces quartiers.

Ce fut Thatcher qui, dès le milieu 1980, amorça une politique visant à l'instauration, dans le nord, de structures régionales où les Républicains pourraient un jour s'intégrer. Après bien des avatars, cette politique aboutit au «processus de paix» de Blair en 1998, puis à la mise en place d'un gouvernement régional en décembre 1999, avec la participation de tous les protagonistes, de Sinn Fein aux loyalistes en passant par les partis traditionnels catholiques et protestants.

Seulement, pour arriver à ce résultat, Blair fit tout pour permettre aux divers partis de conserver et même de consolider la base confessionnelle dont ils dépendaient. De sorte qu'au lieu de désarmer les forces les plus indépendantes de Londres, comme l'espérait Blair, ce furent au contraire Sinn Fein, du côté catholique, et le plus réactionnaire des partis unionistes, celui de Ian Paisley, qui s'imposèrent comme les seuls partenaires susceptibles de former un gouvernement régional.

C'est cette situation qui, depuis octobre 2002, a entraîné la suspension des institutions politiques d'Irlande du Nord. La raison officielle de cette suspension a toujours été, sous une forme ou une autre, le refus de l'IRA de capituler publiquement en renonçant «définitivement» à la lutte armée, même si d'ailleurs celle-ci n'a cessé de multiplier les gestes et les déclarations dans ce sens.

Tout le monde en Irlande du Nord s'attendait donc à une déclaration du type de celle du 28 juillet. D'autant plus que, suite aux dernières élections de mai dernier au Parlement britannique, marquées par un nouveau renforcement de Sinn Fein, sa direction en avait pratiquement indiqué les termes.

Cette déclaration va-t-elle contraindre le parti de Ian Paisley à renoncer à la démagogie anti-Républicaine qui lui a si bien réussi sur le plan électoral? On peut en douter.

En tout cas, cette annonce ne changera rien pour la classe ouvrière d'Irlande du Nord. Elle ne changera pas le gangstérisme utilisé par les anciens paramilitaires pour contrôler la population, dans les quartiers ouvriers protestants, mais aussi catholiques. Pas plus qu'elle ne fera disparaître les «murs de la honte», ces gigantesques murs de béton surmontés de barbelés qui limitent certains quartiers catholiques de Belfast de leurs voisins protestants, qu'elle ne diminuera la pauvreté et le délabrement de la société nord-irlandaise, ou qu'elle ne mettra fin à la discrimination qui continue à s'exercer contre la minorité catholique.

La poudrière nord-irlandaise est peut-être désactivée temporairement, et encore de façon très relative, comme le montrent les activités des gangs paramilitaires, mais elle continuera à couver.

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