Sida et industrie pharmaceutique : La course au profit plus meurtrière que le virus28/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1930.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sida et industrie pharmaceutique : La course au profit plus meurtrière que le virus

Au Brésil, depuis 1996, les malades atteints du sida bénéficient d'un accès gratuit aux médicaments antirétroviraux, essentiellement grâce à la production de copies de ces médicaments, des génériques, fabriquées dans ses laboratoires d'État. Cette stratégie a permis de réduire de moitié la mortalité liée au sida.

Au fur et à mesure des découvertes, les nouveaux médicaments antirétroviraux sont plus efficaces. Mais, produits par les grands laboratoires de l'industrie pharmaceutique américains et européens, ils sont chers, très chers. Pire, depuis "les accords sur les droits de propriété intellectuelle" édictés par l'OMC et qui ont pris effet au 1er janvier dernier, tout nouveau médicament est protégé par un brevet pendant vingt ans. Ceci signifie que, pendant cette durée, aucun laboratoire n'a le droit de copier ces médicaments nouveaux pour les fabriquer à moindre coût sous forme de génériques. Ne peuvent donc bénéficier des traitements les plus novateurs et les plus efficients que ceux qui ont les moyens financiers pour se les procurer au prix imposé par les trusts pharmaceutiques ou qui bénéficient d'un système d'assurance-maladie performant. Quant aux autres, il ne leur reste que les médicaments anciens, si même ils peuvent les acheter. Sinon, c'est la mort assurée !

Au Brésil, le prix de ces nouveaux médicaments augmente considérablement le coût du programme de distribution gratuite des traitements du sida et le met en péril. Si bien que, au printemps dernier, le gouvernement brésilien frappait du poing sur la table et demandait au laboratoire américain Abbott qui fabrique un de ces médicaments de lui consentir 60% de réduction sur le prix de vente, ce qui correspond à ce que coûterait le générique fabriqué par un laboratoire d'État brésilien. Faute d'un tel accord, le Brésil menaçait de casser le brevet et de produire lui-même le médicament. La firme Abbott a répondu. C'est non ! Tout juste a-t-elle concédé une ristourne, dont le montant n'a même pas été fixé et qui dépendra... du nombre de patients traités dans les années à venir ! Quant au gouvernement brésilien, il n'a pas mis sa menace à exécution, sans doute en raison de la crainte de représailles commerciales à son encontre de la part des États-Unis.

Les spécialistes estiment que, dans les pays pauvres, sur les dizaines de millions de personnes porteuses du virus, six millions ont un "besoin vital" de médicaments antirétroviraux, c'est-à-dire que, faute de ces traitements, elles sont vouées à une mort certaine. Pour l'instant, à peine un million y ont accès. Et encore, nombre de ces malades sont traités avec des médicaments dépassés, dont on sait qu'ils sont de moins en moins efficaces avec l'évolution du virus.

Ainsi, alors que les découvertes scientifiques permettraient, si ce n'est de vaincre le sida, au moins de traiter et de prolonger l'espérance de vie de ceux qui en sont atteints, les plus pauvres d'entre eux, et qui sont aussi les plus nombreux, en sont privés par de sordides négociations commerciales destinées à maintenir et à engraisser les intérêts des financiers.

Une preuve de plus de la folie et de l'absurdité de l'organisation sociale et économique de ce monde et de la nécessité de la renverser.

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