USA : Le premier médicament «pour les Noirs» autorisé07/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1927.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

USA : Le premier médicament «pour les Noirs» autorisé

La Food and Drug Administration (FDA), l'agence américaine du médicament, vient de donner le feu vert, le 23 juin dernier, à la mise sur le marché du premier médicament destiné exclusivement aux Noirs américains! Selon une étude parue récemment dans le New England Journal of Medicine, le BiDil (pour bi-dilatateurs) réduirait significativement les risques de décès des patients afro-américains atteints d'insuffisance cardiaque avancée.

Pourtant, jusqu'en 1997, la FDA avait recalé ce médicament, considérant que les résultats cliniques étaient peu concluants. Cela faisait plus de 30 ans que l'inventeur du BiDil, le docteur Jay Cohn, défendait son médicament mais sans du tout prétendre que son remède était plus efficace chez les Noirs que chez les Blancs. C'est alors qu'il eut l'idée de se servir d'un tout nouveau texte de loi (voté en novembre 1997) qui, en matière d'essais cliniques, instaurait une «action positive en faveur des minorités». En se replongeant dans ses dossiers, l'inventeur du BiDil se convainquit qu'il y avait une différence de réponse au traitement de l'insuffisance cardiaque entre les Blancs caucasiens et les Noirs afro-américains, ces derniers étant d'après lui de meilleurs répondeurs au BiDil. Du point de vue scientifique, ce concept de «Blanc caucasien» est aussi vide de sens que celui de «Noirs afro-américains», ou que celui de «race» humaine en général.

Il est par contre possible que statistiquement, pour des raisons génétiques, ou pour des raisons de niveau et de mode de vie, de qualité de l'alimentation, les populations d'origine africaine et celles d'origine européenne ne soient pas touchées de la même manière par certaines pathologies, ou pas sensibles de la même manière à certains traitements.

Mais de là à parler de médicaments pour «Noirs», il y a un fossé.

Mais la soif du profit n'a que faire des réalités scientifiques. NitroMed, une jeune firme de biotechnologie cotée en Bourse, s'en mêla. Elle débloqua 66 millions de dollars et réussit à convaincre l'association des cardiologues noirs (ABC) de co-organiser les tests du médicament BiDil sur des Noirs en lui versant 200000 dollars. Le 23 juin 2005, la FDA accorda son autorisation pour le traitement de l'insuffisance cardiaque des Noirs américains. Il se trouve que deux brevets ont été déposés sur le BiDil. Le premier, généraliste, expire en... 2007. Le second, pour les Noirs, expire en... 2020, soit treize ans plus tard. De quoi empocher pendant des années les profits générés par l'exploitation d'un produit dont l'autorisation de mise sur le marché repose sur une absurdité, celle de l'existence de races au sein de l'espèce humaine!

Un juriste spécialiste de bioéthique dans une université du Minnesota rappelle que «lorsque des médicaments sont testés auprès d'un échantillon de Blancs, on ne les appelle pas des médicaments pour les Blancs. On assume qu'ils marcheront pour les Noirs. Le message ici, c'est que les Blancs peuvent représenter tout le monde, mais pas les Noirs».

Après les «médecines douces», voilà donc les médicaments «ethniques». Décidément, on n'arrête pas le progrès... Surtout pas la course au profit !

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