Les grands groupes industriels à l’oeuvre : Baisse des salaires et chantage à l’emploi07/07/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/07/une1927.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Les grands groupes industriels à l’oeuvre : Baisse des salaires et chantage à l’emploi

Quasiment coup sur coup, trois géants mondiaux dans leur spécialité, Arcelor pour la sidérurgie, Goss pour la fabrication des machines d'imprimerie et Still-Saxby pour la fabrication des chariots élévateurs, ont mis en place une politique de réduction des salaires de leur personnel.

Cette offensive, qu'on pourrait croire concertée, s'est déroulée et se continue aujourd'hui dans différents sites de ces sociétés, et de façon concentrée à Montataire, dans l'Oise, où existe une usine de chacun de ces trois grands trusts.

Chez Arcelor

L'offensive a été ouverte par Arcelor, numéro 2 mondial de l'acier, qui a commencé par annoncer un plan de plusieurs milliers de licenciements dans le monde, dont plus de 400 à Montataire. Considérant qu'ils avaient maîtrisé les réactions face à cette annonce, les patrons de ce groupe sont passés à une deuxième étape en mettant sur pied un nouveau système de rémunération, très compliqué pour le personnel de fabrication, mais qui au bout du compte revient à une baisse de près de 5% du salaire.

Et tout cela assorti de menaces de fermeture du site si les salariés ne se soumettaient pas.

Chez Goss

À quelques centaines de mètres de là, l'ex-usine Harris-Heidelberg de Montataire et ses 850 salariés viennent de connaître un sort semblable.

En 2004 le numéro 1 mondial des machines d'imprimerie Heidelberg a, en théorie, revendu cette usine à son concurrent et compère Goss, lui numéro 2 mondial dans la même spécialité. Il est immédiatement apparu qu'il s'agissait en réalité d'une entente entre les deux groupes, pour restructurer par diverses combines leurs fabrications en vue d'augmenter de façon considérable leurs marges bénéficiaires sur le dos de leur personnel. Heidelberg a commencé à supprimer des emplois de son côté et s'est réservé la possibilité de «racheter» son usine de Montataire à Goss.

Très vite des inquiétudes sur l'emploi se sont fait jour. Une première fois, il y a quelques mois, spontanément, sans mot d'ordre syndical, les ouvriers ont fait grève pour obtenir des garanties pour leur avenir. Le patron a proposé aux syndicats la garantie de leur donner des «informations», et sur cette base le travail a repris. Il y a quelques semaines c'est un plan de 301 suppressions d'emploi qui tombait.

Là, à l'approche de l'échéance, une nouvelle grève spontanée a commencé chez les ouvriers, suivis par quelques personnes des bureaux. Au bout du quatrième jour, le PDG de Goss s'est fendu d'un voyage des USA à Montataire, pour proposer de réduire de 130 les suppressions d'emploi, mais... à condition que les salariés acceptent de travailler 38 heures au lieu de 35 actuellement et sans être payés pour ces heures travaillées en plus. Par rapport au travail fourni, cela revient à une baisse de salaire de près de 11%.

En clair, les salariés vont travailler plus, pour faire le même travail avec un effectif réduit de 170 personnes. Sur ces 170, environ 90 devraient bénéficier d'une préretraite. Les autres, s'ils acceptent d'être licenciés, toucheront 18000 euros; sinon, de toute façon, ce sera le licenciement. Le patron a rajouté, pour faire bonne figure, qu'il n'y aurait pas de nouveaux licenciements jusqu'au début 2008... «à condition que la production reste dans les niveaux convenus».

Les délégués des quatre syndicats présents sur le site ont déclaré qu'il n'y avait pas d'autre issue, et c'est sur cette base que le travail a repris le 1er juillet.

Chez Still-Saxby

Enfin, juste à côté de là, les patrons de Still-Saxby, numéro 1 de la fabrication de chariots élévateurs, ont mis dernièrement un marché en main aux représentants du personnel de l'usine de Montataire. Voici la teneur générale du discours: Il nous faut faire des gains de productivité pour gagner plus; nous ne savons pas encore quelle usine nous allons fermer; aussi, à vous de nous faire des propositions; nous sommes prêts à en discuter avec vous, afin de trouver les moyens de réduire les coûts et de travailler plus, en nous permettant de vous verser moins de salaires.

Le processus est enclenché, même si le calendrier véritable de l'opération n'a pas encore été rendu public. Bien sûr, chacun sait que c'est un marché de dupes, car les sacrifices n'ont jamais, nulle part, protégé des licenciements.

En tout cas, tout cela montre le piège et l'impasse où mène la politique des reculs acceptés, comme le prêchent certains. Oui, les patrons sont à l'offensive, et la seule chose qui pourrait les stopper ce serait une lutte déterminée, la peur d'une explosion sociale. Pour l'instant, les reculs imposés par chacun des compères patronaux encouragent les autres à continuer. Mais ils font ainsi la démonstration que le sort de tous les travailleurs est lié. Et le rassemblement futur, dans les luttes qui viendront inéluctablement, de tous les travailleurs, passant par-dessus les fausses divisons d'entreprises, pourrait être le retour de manivelle que ces patrons arrogants auraient eux-mêmes préparé.

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