Budget européen : C'est forcément la faute du NON !24/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1925.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Budget européen : C'est forcément la faute du NON !

Le sommet européen de Bruxelles, les 16 et 17 juin, qui devait fixer un financement pour l'Union européenne pour les années 2007 à 2013, s'est terminé sur un échec puisque aucun compromis n'a pu être trouvé.

D'autres réunions auront lieu et les États ont encore un an pour se mettre d'accord sur un budget qui n'entrera en vigueur qu'au 1erjanvier 2007.

Ce budget d'un montant modeste (875 milliards d'euros sur 7 ans, soit 125 milliards par an, moins de la moitié du budget de la France, pour l'ensemble de l'Europe) est utilisé, par le biais de la politique agricole commune et des fonds structurels, à subventionner les capitalistes de différents secteurs et de différents pays. Ces subventions, qui s'ajoutent aux aides beaucoup plus importantes déjà accordées par les États nationaux, font malgré tout périodiquement l'objet d'âpres marchandages. L'échec de ce sommet de l'Union européenne a été considérablement grossi et utilisé de façon purement démagogique. Les partisans de la Constitution européenne, repoussée en France par le référendum du 29 mai, ne reculent devant aucune contrevérité pour tenter de faire retomber sur le "non" la responsabilité de cette mésentente sur le budget de l'Union.

Le Monde des 19 et 20 juin affirme ainsi que "le double non français et hollandais -motivé en France par le refus de l'Europe libérale- aboutit à une remise en selle du champion d'une ligne sociale-libérale!" et que "Le seul plan B (...) c'est bien le plan Blair". Libération, qui avait fait aussi campagne pour le oui, interpelle ainsi ceux qui recommandaient "l'électrochoc du non": "En fait d'électrochoc, c'est un court-circuit général et, en guise de plombier polonais, on a l'électricien britannique à pied d'oeuvre" et d'évoquer même "un paysage dévasté après référendum"!

Comme si "avant référendum" les relations entre les États de l'Union européenne n'étaient pas des relations d'intérêts et de rapports de forces et comme si chaque traité ou décision importante n'était pas le résultat de marchandages longs et sordides. D'ailleurs le projet de Constitution européenne, si difficile à négocier, en est lui-même un bon exemple. Mais évidemment les discussions autour du budget européen ont toujours été assorties d'âpres marchandages car chacun veut le maximum de subventions pour sa propre bourgeoisie. À l'époque où le budget était décidé chaque année, c'est chaque année qu'on assistait à "une crise". La décision de s'entendre sur des budgets pluriannuels a grandement espacé les bras de fer entre les différents États. Mais les intérêts contradictoires des uns et des autres continuent à s'exprimer crûment à chaque occasion. Et l'échec des négociations de Bruxelles ne fait que rappeler ce qu'est l'Europe: une entente forcée entre bourgeoisies concurrentes.

Comme les principaux États se refusent à augmenter le budget de l'Union européenne pour faire face à l'élargissement, il est évident que les négociations sont d'autant plus difficiles que les marges de manoeuvres financières sont étroites. Les grandes puissances ne sont pas partageuses. Chirac veut faire payer davantage la Grande-Bretagne, qui ne consacre que 0,23% de son PIB au budget européen. Mais Tony Blair refuse de payer davantage si ce sont les subventions à l'agriculture -dont le quart revient à la France - qui absorbent plus de 40% du budget de l'Union. C'est une vieille querelle entre les gouvernements des deux pays: en 1984, Margaret Thatcher a obtenu une ristourne sur la contribution britannique avec cet argument. Tony Blair n'a pas l'intention de renoncer à cet acquis sans contrepartie et Chirac, lui, ne veut pas abandonner ses capitalistes de l'agro-alimentaire. Ce bras de fer débouchera probablement sur un compromis destiné à fixer le rapport de force pour sept nouvelles années et, si ce n'est pas le cas, l'Union européenne devra décider de son budget au coup par coup, année après année.

Hollande appelle cela "une crise grave et sans précédent". "On entre dans une période de vide et de doute", affirme-t-il. C'est évidemment de la faute aux partisans du non selon lui si, la France étant affaiblie, elle "n'a pas pu faire entendre la voix de la solidarité. La Grande-Bretagne est en situation de force et le fait sentir en étant à la manoeuvre".

Encore une fois, Hollande donne sans vergogne à Chirac le beau rôle alors que celui-ci ne fait que défendre tout aussi "égoïstement" que Blair les intérêts de ses propres capitalistes. Quant à la gravité de la crise, elle ne saurait toucher le monde du travail, qui n'est pas concerné par les distributions de cadeaux du budget européen.

Tout ces commentaires cocardiers montrent à quel point ceux qui les font épousent tout naturellement les intérêts de leurs capitalistes nationaux.

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