Immigration : Avec ou sans quotas, fournir la main-d’oeuvre nécessaire au patronat15/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1924.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Immigration : Avec ou sans quotas, fournir la main-d’oeuvre nécessaire au patronat

Villepin et Sarkozy se sont mis d'accord pour dire qu'il faut réglementer l'immigration, la limiter au nombre de travailleurs dont a besoin «l'économie», c'est-à-dire les patrons. Et, depuis une semaine, on n'entend plus parler que de quotas.

Au cours d'un colloque de l'UMP, Sarkozy a demandé que le gouvernement et le Parlement aient «le droit de fixer chaque année, catégorie par catégorie, le nombre de personnes admises à s'installer sur le territoire». Pour sa part, au Comité interministériel de contrôle de l'immigration, Villepin a souhaité obtenir des ministres des propositions sur «l'adaptation de notre pratique en matière d'immigration aux besoins de l'économie».

Quant au député UMP Goasguen, il a affirmé qu'il fallait «calmer les fantasmes de l'opinion» et ne plus se polariser sur l'immigration clandestine: «Le slogan «immigration zéro», absurde, n'est plus de mise. (...) Le Parlement doit aujourd'hui définir le volume global, quantitatif et qualitatif, d'immigrants dont nous avons besoin d'un point de vue économique.» De son côté Éric Raoult, ex-ministre délégué à l'Intégration, a regretté que la droite se soit jusqu'ici interdit «de poser le sujet en termes économiques».

Ces propositions de quotas par profession plaisent évidemment aux patrons des secteurs économiques concernés, qui se plaignent de ne pas trouver la main-d'oeuvre qui leur serait nécessaire -généralement parce que les salaires qu'ils proposent sont trop faibles, les emplois plus précaires, et qui obligent parfois le salarié à déménager. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises est elle aussi favorable à une «immigration sélective». De même la Fédération française du bâtiment demande une «immigration très ciblée», sous le contrôle des Directions départementales de l'emploi.

Mais, à part ce mot de quotas qui est revenu à la mode, où est la nouveauté? C'est ce qui se pratique déjà. Le patronat du bâtiment, par exemple, fait tout à fait officiellement appel à des travailleurs étrangers dans les départements où le chômage est bas, comme la Mayenne ou la Vendée.

C'est d'ailleurs ce que les patrons ont toujours fait, en réalité. Dans les années 1950 et 1960, période où le chômage était faible, l'absence presque totale de contrôles aux frontières permettait aux patrons de recruter largement des travailleurs immigrés. Certaines grosses entreprises recrutaient même directement dans les villages marocains des ouvriers pour leurs chaînes de montage, à Citroën, ou leurs puits de mine.

Quant aux quotas par profession, c'est une plaisanterie. Les immigrés prennent les postes et les métiers disponibles. Seules des tâches très spécialisées exigent absolument une formation préalable. Les paysans italiens de l'entre-deux-guerres ou portugais des années 1960 n'avaient ni formation ni vocation spéciale pour les métiers du bâtiment. Mais c'était là qu'il y avait de l'embauche, c'est donc là qu'ils ont travaillé.

Cette approche pragmatique de l'immigration sonne certes mieux que les cris haineux sur les immigrés «qui viennent manger le pain des Français». Cela n'empêche qu'elle se moque totalement des hommes et de leurs problèmes. Pour elle, c'est la production qui commande, la soif de bénéfices, les taux de profit forts grâce aux bas salaires. Ni la misère des pays pauvres, ni l'accès de tous à un niveau de vie digne des possibilités actuelles, ne sont des préoccupations qui entrent dans ces calculs.

La reconnaissance de l'utilité de la main-d'oeuvre immigrée n'est même pas opposée aux expulsions de tous ceux qui ne sont pas directement exploitables, jeunes scolarisés, conjoints venus dans le cadre d'un regroupement familial, anciens, etc. Sarkozy avait-il autre chose en tête quand il regrettait qu'en France seulement «5% des immigrés viennent pour répondre à des besoins précis de l'économie», contre, paraît-il, 50% en Suisse, 57% en Grande-Bretagne et même 60% au Canada?

Le but des bourgeois et de leur État est seulement de faire tourner leurs usines et leurs entreprises avec la meilleure rentabilité pour leurs capitaux. C'est cela le sens des quotas d'immigration.

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