Dette des pays pauvres : Un faux cadeau fait par de vrais usuriers15/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1924.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Dette des pays pauvres : Un faux cadeau fait par de vrais usuriers

Les ministres de l'Économie des sept pays les plus riches du monde ont annoncé lundi 13 juin un accord sur l'annulation de 40 milliards de dollars de dettes qu'auraient 18 pays pauvres. Les ministres britannique et français, en particulier, ont qualifié cet accord «d'historique» et de progrès dans la voie de la lutte contre la pauvreté.

Pourtant ces 40 milliards sont une goutte d'eau dans l'océan de la dette des pays les plus pauvres. Ceux-ci doivent en effet 2550 milliards de dollars dont 450 milliards aux organismes internationaux (c'est cette partie de la dette qui vient d'être réduite); 500 milliards à d'autres États, riches en général; et surtout 1600 milliards à des banques privées qui n'ont aucunement l'intention de réduire leurs créances.

Cet accord est en fait une étape de la discussion commencée en 1996 visant à renégocier une partie de la dette des pays dits «en voie de développement» auprès des organismes internationaux, à leurs conditions, évidemment. Les pays ne peuvent voir leur facture réduite que s'ils sont suffisamment étranglés: ils doivent consacrer entre 20 et 25% du montant de leurs exportations au service de la dette (c'est-à-dire non pas à la rembourser mais simplement à en payer les intérêts) et la valeur de leur dette doit représenter au moins le double de leur PIB. Lorsqu'un pays remplit ces conditions, il doit de plus appliquer ce que le FMI appelle «la bonne gestion», celle qui permet de rembourser les banques occidentales en faisant des économies sur tout le reste, quitte à plonger la population dans la misère.

Le prêt aux pays pauvres est une bonne affaire pour les prêteurs puisque leur endettement a été multiplié par cinq en trente ans et que bien des pays ont été obligés d'emprunter ne serait-ce que pour payer les intérêts d'un prêt antérieur! Un pays qui a emprunté un dollar en 1980 en a remboursé aujourd'hui huit et en doit encore quatre... La bonne affaire est aussi pour les industriels des pays prêteurs, puisque les prêts sont en général assortis d'une clause d'obligation d'achat auprès d'un fournisseur déterminé. Il en va de même pour la prétendue aide au développement. Ainsi, d'après Action Aid, 89% de l'aide au développement consentie par la France retourne dans les caisses des industriels français. On fait des collectes dans la rue pour construire des écoles ou fournir des médicaments aux enfants d'Afrique, mais les fonds publics destinés au développement servent en fait à acheter les armes de Thalès et les palais construits par Bouygues. Globalement, tous mouvements de capitaux confondus, les pays pauvres ont versé l'an dernier aux pays riches 395 milliards de dollars de plus que ce qu'ils en ont reçu. Il n'y a donc pas d'aide au développement mais un vol manifeste, une mise en coupe réglée.

Le FMI impose que l'on retire toutes les barrières qui entravent «le libre jeu du marché». Mais à ce «jeu» les pays pauvres sont les grands perdants, eux qui échangent leurs matières premières et les produits de leurs industries retardataires contre les produits de l'industrie moderne. Ils échangent en fait beaucoup de travail peu qualifié (y compris celui des enfants) contre un peu de travail très qualifié. C'est pourquoi, même si certains dans ces pays arrivent à faire fortune en parvenant à tirer du sang des cailloux, ces pays deviennent irrémédiablement de plus en plus pauvres. Ils ne sont pas affamés seulement par les directives du FMI mais encore et surtout par les lois du marché. C'est pourquoi l'annulation de 40 milliards de dollars de leur dette ne règle rien. Et, même si une remise de dette plus étendue leur était consentie, ce qui serait la moindre des choses, elle ne suffirait pas à permettre aux pays pauvres de se développer, étranglés qu'ils sont par le capitalisme.

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