Créteil (94) : Des habitants menacés par des loyers inabordables15/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1924.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Créteil (94) : Des habitants menacés par des loyers inabordables

La Caisse des Dépôts et la filiale qu'elle contrôle à 100%, Icade (ex-SCIC), augmentent des loyers conventionnés jusqu'à ce qu'ils atteignent le niveau du secteur privé. Mais cette politique baptisée «déconventionnement» se heurte, dans plusieurs communes d'Ile-de-France, à la mobilisation des habitants. C'est le cas dans un quartier de Créteil où près d'une centaine de personnes se sont réunies, le 1er juin, à l'initiative de l'Amicale des locataires- CNL.

Dans ce quartier du Mont-Mesly à Créteil, une personne cardiaque qui habite au quatrième étage sans ascenseur, se voit proposer un appartement similaire au rez-de-chaussée... avec un loyer de 220 euros plus cher. Une famille, locataire d'un F5, dont les enfants partent aurait voulu déménager dans un F4, mais le loyer que lui propose le même bailleur est supérieur à celui du F5! Des hausses touchent ceux qui emménagent avec un loyer de 800 euros dans un logement loué jusqu'alors 350 euros. Quant aux locataires en place, ils sont appelés à signer un nouveau bail qui autorisera, au bout de six ans, des augmentations successives bien au-delà de celles des HLM, pour atteindre le niveau des logements privés. À Bagneux, par exemple, un loyer après déconventionnement a atteint 985 euros, absorbant entièrement l'un des deux salaires d'un ménage.

Le propriétaire, la Caisse des Dépôts, est un des principaux établissements financiers qui gèrent des fonds de placement. Elle possédait environ 180000 logements en 1997. Pour la construction de certains d'entre eux, elle avait reçu des fonds publics supplémentaires en signant une convention avec l'État qui l'engageait à maintenir les loyers sous un certain plafond. Mais, après avoir reçu l'argent, elle refusa de prolonger cette convention. En 1997, elle annonça que 10000 logements (parmi les plus dégradés) rejoindraient carrément les HLM, tandis que 13000 seraient «déconventionnés» et regroupés dans une société (baptisée aujourd'hui Icade) qui gère également de l'immobilier de bureau. «La logique qui prévaut (...) relève plutôt de l'économie de marché... Son directeur se fiche éperdument de l'avis des élus locaux, et le logement social, à l'évidence, ne l'intéresse que quand il rapporte», avait déclaré Marie-Noëlle Lienemann, alors secrétaire d'État au Logement, socialiste. Le gouvernement Jospin, auquel elle appartenait, a pourtant laissé faire, alors que la Caisse des Dépôts est sous le contrôle de l'État.

À l'automne dernier, le secrétaire d'État au Logement, sous la tutelle de Borloo, a reconnu que «cette pratique du déconventionnement» conduit à une «modification inéluctable de la population de la commune, les habitants actuels ne pouvant supporter les hausses de loyers ni acheter les logements». Mais, comme ses prédécesseurs, Borloo est complice de cette politique, s'il ne l'inspire pas directement.

La hausse des loyers s'accompagne d'une négligence dans l'entretien et la maintenance: ce sont les deux faces d'une même médaille pour augmenter la rentabilité des capitaux. Le journal financier Les Echos du 27 mai 2005 remarquait que Icade devient un «opérateur immobilier» dont le «résultat d'exploitation opérationnel (hors plus-value)» est «passé de 71 millions en 2003 à 79 millions en 2004 et devrait atteindre 140 millions en 2005».

Aussi, quand des locataires, comme à Créteil, s'organisent pour refuser de signer un nouveau bail qui conduit à des hausses de loyers catastrophiques, c'est doublement justifié. D'un côté la situation du bailleur qui appartient à une riche institution financière est florissante. De l'autre, les habitants des cités, chômeurs ou salariés, ne peuvent pas se permettre des loyers qui suivraient les hausses édictées par la spéculation immobilière et ils sont donc directement menacés.

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