Pétrole et corruption : Total jamais bien loin10/06/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/06/une1923.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pétrole et corruption : Total jamais bien loin

La justice française enquête sur onze suspects, qu'elle soupçonne de s'être laissés corrompre par le régime de Saddam Hussein, entre 1996 et 2003. Parmi eux, l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, dont le nom était cité depuis des semaines, des hommes politiques de la mouvance gaulliste, des diplomates, des avocats et des hommes d'affaires. L'ancien secrétaire général de l'ONU, Boutros-Ghali, en ferait partie, s'il ne bénéficiait de l'immunité diplomatique.

Tous auraient reçu de l'argent de l'ex-dictateur irakien, par le biais du programme "pétrole contre nourriture". Ce programme adopté en 1996 par l'ONU était destiné à réduire les conséquences dramatiques de l'embargo décidé par cette même ONU, sur l'initiative du gouvernement américain, en 1990. Cet embargo commercial, financier et militaire, qui interdisait tout commerce avec l'Irak, visait -disait-on alors- à faire tomber le dictateur Saddam Hussein. Mais si Saddam et les proches du pouvoir s'en sortaient sans mal, la population irakienne, elle, en subissait les effets de plein fouet. Des centaines de milliers d'Irakiens sont morts, victimes du manque de nourriture et de médicaments. Le programme "pétrole contre nourriture" soulagea un tout petit peu, sans les supprimer, les souffrances de la population irakienne, mais a permis au passage à quelques combinards de s'en mettre plein les poches.

Les premières à en tirer profit furent bien sûr les compagnies pétrolières, parmi lesquelles Total, qui ont pu à nouveau raffiner, transporter et distribuer le brut irakien et ses dérivés. Les fonds résultant des ventes autorisées étaient en principe gérés par les Nations unies. Mais Saddam Hussein obtint des compagnies qu'elles lui versent en douce une partie du prix, sous forme de rétrocommissions.

Le régime de Saddam Hussein en profita aussi pour récompenser ses "amis", français en particulier. Car il avait aussi le droit d'attribuer certains tonnages de pétrole à des particuliers, qui pouvaient les revendre aux compagnies en empochant au passage 15 à 85 centimes de dollar par baril. Or cela concernait des millions de barils: jusqu'à 32,6 millions pour un ancien secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Et le pétrole "français" aboutissait en général dans les cuves de Total.

La justice parle de corruption à propos de cette affaire. Mais le principal scandale n'est-il pas que, sous prétexte de punir Saddam Hussein d'avoir envahi le Koweit, les grandes puissances n'aient pas hésité à affamer la population irakienne et à la priver de médicaments? Que Saddam et ses amis dans la droite française aient utilisé à leur profit le programme "pétrole contre nourriture" n'étonnera personne. Et reprocher à Total d'être mêlé à des affaires de corruption, c'est comme reprocher à une vache de manger de l'herbe.

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