Les indemnités de départ du PDG de Carrefour : Un scandale à l'image de cette société28/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1917.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les indemnités de départ du PDG de Carrefour : Un scandale à l'image de cette société

39 millions d'euros, plus de 2 500 années de salaire d'un travailleur salarié au SMIC. Voilà la coquette somme qu'a empochée le PDG de Carrefour en guise d'indemnités de départ. C'est la somme qu'avait négociée Daniel Bernard, jusqu'à ces dernières semaines PDG de Carrefour, qui exploite 400000 travailleurs à travers le monde.

Car les PDG de ces puissantes sociétés négocient, dès leur entrée en fonction, les conditions de leur éventuelle mise sur la touche. C'est légal. C'est leur manière de positiver. Et le plus savoureux, c'est que ce PDG gourmand a été "remercié" -c'est comme ça qu'on dit- pour n'avoir pas atteint les objectifs fixés par le Conseil d'administration de Carrefour. Dans le même temps, sans gêne ni remords, la direction de Carrefour concédait royalement une augmentation de salaire de 2% en deux fois pour l'année 2005 à ses employés en France.

Pour les grosses entreprises capitalistes, c'est la coutume de rétribuer grassement leurs plus hauts cadres et ce scandale n'est pas le premier. En 1999, Émile Jaffré, PDG démissionnaire d'Elf à cause du rachat de cette entreprise par TotalFina, aurait touché entre 30 et 45 millions d'euros. On en est à des supputations car la transaction est restée secrète. Trois ans plus tard, Jean-Marie Messier, contraint d'abandonner la présidence de Vivendi, pouvait s'en consoler en empochant la bagatelle de 21 millions d'euros. Plus récemment, Serge Weinberg, évincé de la présidence du directoire de Pinault-Printemps-Redoute pour laisser la place chaude au rejeton de François Pineau lui-même, devait se contenter de 5,3 millions d'euros assortis d'une retraite complémentaire sans doute confortable car d'un montant tenu secret. Enfin, Pierre Lescure, président de Canal+ jusqu'en 2002, a dû subir l'affront d'une indemnité de départ de 3 millions d'euros.

Ces indemnités royales, ces retraites dorées et garanties pour PDG vieillissants ou remerciés, ne sont que des arbres cachant une forêt de profits faramineux. Le groupe Carrefour par exemple a réalisé 1662 millions d'euros de bénéfice en 2004. 673 millions ont été reversés sous forme de dividendes.

Les politiciens de droite ou de gauche, et même les patrons, soucieux de prévenir l'indignation de tous ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, disent qu'ils sont choqués et proposent quelques mesures pour moraliser cette pratique.

Pour Thierry Breton, successeur de Sarkozy au ministère de l'Économie, il faut tout simplement soumettre le montant des indemnités de départ des dirigeants d'entreprises au vote de tous les actionnaires. En supposant que ce type de mesures voie le jour et soit appliqué, ce serait au mieux instaurer le contrôle des PDG par les principaux actionnaires. Bien plus radical, le socialiste François Hollande se déclare partisan de l'interdiction par la loi de telles pratiques, ce que le PS s'est bien gardé de faire quand il disposait de la majorité, alors que des scandales du même type se produisaient. L'affaire Jaffré, par exemple, se produisit alors que Fabius était ministre des Finances. Encore une fois, Hollande pourra toujours changer d'avis après 2007, si toutefois il accédait aux affaires.

On ne risque pas grand-chose à parier qu'une fois passée l'indignation provoquée par ce scandale, tous ces bonimenteurs rangeront leurs vigoureux propos aux magasins des accessoires verbaux à réutiliser pour le prochain scandale. Bien sûr, personne n'a osé proposer le contrôle par les salariés. Ce serait pourtant bien plus efficace.

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