Un "Non" qui va de soi15/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1915.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un "Non" qui va de soi

Les dirigeants socialistes qui appellent à voter "oui" au référendum sur la Constitution européenne affirment que celle-ci ouvre la porte à une "Europe sociale". Mais où est donc le côté "social" de ce texte? Dans le fait qu'il reconnaisse aux citoyens européens le "droit à la recherche d'un emploi" (y aurait-il donc des pays où l'on n'a pas le droit de chercher du travail!), et pas même le droit à un emploi? Ce serait risible si l'Europe ne comptait pas des millions de chômeurs. Mais il est vrai qu'en matière de politique sociale et de lutte contre le chômage, l'équipe Jospin-Hollande n'a pas mené une politique tellement différente de celle de Chirac-Raffarin. Et quand on sait que le père de ce projet constitutionnel est Giscard d'Estaing, qu'il est soutenu par les gouvernements les plus réactionnaires de l'Europe des Vingt-cinq, il n'est pas surprenant que le côté "social" de l'Europe soit réduit à quelques mots creux.

L'Europe que souhaitent les grands groupes capitalistes, c'est un grand marché dans lequel ils puissent accroître leur taille le plus possible. C'est l'Europe que s'efforcent de construire, depuis un demi-siècle, les gouvernements, de droite ou de gauche, à leur service. Et du fait de son extension à vingt-cinq pays indépendants, ses promoteurs ont besoin de fixer des règles de fonctionnement pour régler leurs désaccords. D'où ce projet de constitution.

Mais ce projet considère que le seul système économique valable, c'est le système capitaliste, celui qui repose sur la propriété privée des moyens de production. Un système dont le but n'est pas la satisfaction des besoins des hommes, mais la recherche du profit pour une minorité de parasites. Un système où il est normal qu'un patron puisse licencier les salariés dont le travail lui a permis de multiplier sa fortune, et puisse fermer des entreprises, pour augmenter ses bénéfices. Un système dans lequel des millions de travailleurs se crèvent au boulot, à cause des cadences de travail, des horaires à rallonge, et où des millions d'autres sont condamnés par le chômage à une inactivité forcée et souvent à la misère.

Quand les gens qui défendent ce système parlent de "social", c'est juste pour farder la vérité.

Comment les travailleurs pourraient-ils approuver un texte qui légitime ce système?

En invoquant les racines religieuses de l'Europe, en ne reconnaissant pas le droit au divorce et le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse, le projet de constitution européenne est certes particulièrement réactionnaire. Cependant, il est vrai qu'en ce qui concerne la défense du système capitaliste le projet de constitution européenne n'est pas pire que la constitution française. Mais les travailleurs n'auraient pas plus de raison d'approuver celle-ci.

Ce n'est pas l'Europe qui est en cause. Si elle survient réellement un jour, la disparition des frontières qui morcellent ce continent, parfois jusqu'au ridicule (comme avec cette principauté de Monaco dont on nous rebat les oreilles ces jours-ci) serait une bonne chose. Les démagogues réactionnaires, à la de Villiers ou à la Le Pen, qui prétendent que se replier derrière des barrières frontalières infranchissables permettrait de lutter contre le chômage, se moquent des gens. Ce sont d'ailleurs de chauds partisans du système capitaliste.

Evidemment, même si ce projet de constitution est rejeté, la machine à enrichir encore plus la petite minorité de privilégiés et à appauvrir encore plus l'immense masse des plus démunis continuera à fonctionner. Le rejet de la constitution n'obligera pas plus Chirac et Raffarin à changer de politique que la déroute de la droite aux élections régionales et européennes de 2004 ne l'a fait. L'offensive menée par le grand patronat, avec le soutien du gouvernement, se poursuivra... jusqu'à ce que, par leurs luttes, les travailleurs y mettent un coup d'arrêt.

Mais en attendant, tous ces gens-là, du Parti Socialiste à la droite, veulent connaître notre opinion. Disons-la leur clairement. Votons "non" le 29 mai.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 11 avril

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