Constitution européenne : En battant la campagne15/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1915.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Constitution européenne : En battant la campagne

Lors de chaque scrutin, on entend dire que les campagnes qui les précèdent sont de plus en plus débiles. Celle du référendum du 29 mai prochain ne déroge pas à la règle. Mais les empoignades médiatiques auxquelles on assiste sont quand même révélatrices.

Une argumentation à géométrie variable

Ainsi, par exemple, les tenants du oui nous expliquent que si cette Constitution était rejetée par les électeurs français, on en resterait à la situation régie par les traités actuellement en vigueur, ceux de Maastrich, Amsterdam, Nice dont ils disent aujourd'hui pis que pendre, en rajoutant même sur le caractère détestable de cette situation, afin de mieux mettre en valeur les avancées de la Constitution nouvelle. Curieux. Car c'était les mêmes ou leurs homologues, la droite dite parlementaire et le PS en France, qui nous vantaient les vertus des traités passés. Ce retournement d'argumentation en dit long sur leur sincérité et leur crédibilité d'aujourd'hui.

Les mêmes font la leçon à ceux qui voudraient voter non, leur expliquant que leur vote de toute façon ne servira à rien puisque les gouvernements des autres pays membres de l'Union européenne ne seront pas d'accord pour infléchir le traité dans un sens qui prendrait mieux en compte les aspirations sociales. À ce compte, on peut se demander pourquoi ces gens-là demandent aux électeurs français de donner leur avis, puisqu'ils leur disent que la seule réponse acceptable et praticable serait le oui.

Les partisans du oui du PS y ajoutent une note qui leur est particulière. Ils expliquent désormais avec insistance que voter non, c'est faire le jeu de Le Pen et de De Villiers. C'est une nouvelle version du slogan déjà utilisé, basé sur un chantage qui vise à déposséder les électeurs de leur liberté de choisir, en expliquant que si l'on ne vote pas pour eux et comme eux, on fait le jeu de l'adversaire. Cet argument démagogique est insultant, en premier lieu pour les électeurs socialistes, qui d'après les enquêtes d'opinion sont de plus en plus nombreux à pencher pour le non, ce qui expliquerait la remontée de ce vote dans les sondages. Ce n'est pas à nous que l'on apprendra que les scrutins référendaires, qui limitent le choix entre le oui, le non ou l'abstention, ne laissent que des possibilités limitées et ambiguës de s'exprimer. Par contre, il n'y a aucune ambiguïté entre la position de ceux qui se définissent de façon claire en faveur de l'abolition des frontières entre les peuples, l'abandon de toute restriction de droits pour tous les travailleurs de l'Europe, en y incluant la Turquie, et la position de ceux qui, à l'opposé, se posent en défenseurs de la souveraineté de la France, de ses valeurs, de son passé colonialiste et chauvin. Bien moins d'ambiguïté que celles développées par les socialistes qui se retrouvent, pour la seconde fois en moins de trois ans, au nom d'une prétendue "Europe sociale", dans le même camp que les Chirac, Sarkozy, Fillon dont le nom est associé aux pires attaques contre les droits des travailleurs de ce pays.

Des chiffres qui ne veulent rien dire

Au lieu d'un débat sur la réalité d'aujourd'hui, en France et dans l'Union européenne, portant sur le nombre réel de chômeurs, le nombre de pauvres, de miséreux, comparés à l'augmentation de la richesse d'une minorité, on nous jette à la figure des chiffres qui ne veulent rien dire.

Les partisans du oui expliquent qu'on trouve "tant de fois" le mot "social" dans le texte de la Constitution, oubliant d'ailleurs de préciser que ce mot est le plus souvent associé à la formule "économie sociale de marché" qui est une formule qui évoque bien plus la jungle de la concurrence qu'un progrès social quelconque. Ces mêmes partisans du oui, particulièrement ceux du PS, déclarent que la Constitution serait une avancée, qu'il faudrait prendre comme telle, même si cette avancée est plus faible qu'ils ne l'auraient souhaité. Mais quand on leur réplique qu'elle ne reconnaît ni la laïcité, ni le droit à l'avortement, ni le droit au divorce, ni le droit au travail, ils répondent que ce n'est pas la fonction d'une Constitution, certains ajoutant, avec une bonne dose de jésuitisme, que de toute façon, nous n'avons pas à craindre que cette Constitution se traduise en France par la suppression de ce qui est acquis en matière de droit des femmes ou de droit des travailleurs. Encore heureux! Encore qu'avec ou sans Constitution, on a vu des gouvernements revenir sur des acquis favorables aux classes populaires, dernièrement, ici, en France.

Alors il faudrait savoir! Cette Constitution est-elle un progrès, tirant les pays en retard vers une amélioration? Quand on interroge ceux qui le prétendent en leur demandant des précisions, ils balbutient en guise de réponse qu'au mieux elle ne changera rien. Piteuse ambition.

En fin de compte, ces débats, que les partisans du oui s'efforcent de rendre le plus confus possible n'aident sans doute pas à mieux comprendre ce projet de Constitution. Mais ils ont le mérite de mettre en évidence qu'il n'y a rien de bon à en attendre pour les classes populaires.

Partager