Monaco : 4600 PDG en deuil... et quelques autres06/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1914.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Monaco : 4600 PDG en deuil... et quelques autres

Il y a sans doute un peu d'affolement, voire de rancoeur dans les rédactions de Paris Match, Point de vue-images du monde, Gala, Voici, et autres magazines en technicolor. Le prince Rainier de Monaco a eu l'indélicatesse de mourir en pleine pompe médiatique autour de la mort du pape et des éditions spéciales à fort tirage qui l'accompagnent.

Alors que lui et sa famille ont été toujours un si bon placement pour les affaires en général et en particulier les affaires de la presse spécialisée dans les aventures des célébrités, ce calendrier mal calculé pourrait faire que sa mort ne soit pas aussi profitable qu'on aurait pu l'espérer, noyée qu'elle sera dans le grand show papal.

Mais au-delà du strass et des paillettes du palais princier et des frasques de toute la famille Grimaldi, la vraie richesse de ce petit bout de territoire, caché entre Nice et Menton, tient à sa situation de havre financier, qui permet de mettre à l'abri des regards, du fisc et de toute ponction, les capitaux d'une multitude de sociétés et de banques.

Ainsi pour 1,97 kilomètre carré, sur une superficie plus petite que bien des petites communes alentour, la principauté de Monaco qui ne recense que 6100 habitants de nationalité monégasque, regroupe dans le même temps sur son territoire le siège de 4600 sociétés, hors commerces et professions libérales, dont une cinquantaine d'établissements financiers, pour un chiffre d'affaires de 9,2 milliards d'euros. Du coup, elle abrite 26000 résidents privilégiés, dont 10200 français qui ont l'insigne honneur de bénéficier, au moins partiellement, des lois fiscales généreuses de Monaco; c'est dire si les places doivent être chères. Il y a 42000 emplois à Monaco. Il faut bien faire marcher les arrangements financiers des sociétés, dont de très grandes sociétés industrielles de France.

La Chambre de commerce de Monaco affiche d'ailleurs la couleur. Pour maquiller leurs comptes, elle propose dans sa notice: «Aux investisseurs les différentes formes juridiques suivantes: -Société en nom personnel -Société en nom collectif - Société en commandite - Société Anonyme monégasque - Société en commandite par actions». Ajoutons qu'elle offre aussi une législation sociale en retrait sur la France voisine, et notamment une réglementation sévère du droit de grève.

Tout cela se fait sous la protection directe de l'État français, garantie par le traité de 1918, amendé en 1963 et poursuivie par un mandat confié le 31 décembre 1998 par l'Union européenne à la France. Cette sollicitude des gouvernants vis-à-vis de ce petit bout de rocher s'explique simplement par la définition donnée par un rapport officiel fait en 2000 sous la houlette du ministère de l'Économie: la spécificité de Monaco et ce qui en fait la prospérité est la fonction de paradis fiscal et la gestion de fortunes... à l'abri des regards indiscrets pourrait-on ajouter.

Mais les patrons et les propriétaires des 4600 sociétés installées sur la principauté peuvent dormir en paix. La mort de Rainier ne viendra rien changer pour eux, pas tant parce que son fils Albert va prendre sa succession, mais parce que l'État français, protecteur des grandes fortunes françaises, entend conserver sa fonction à cette principauté, maison de rapport bien agréable pour ses protégés.

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