Ce n’est pas le libéralisme, c’est le capitalisme qu’il faut combattre06/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1914.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ce n’est pas le libéralisme, c’est le capitalisme qu’il faut combattre

Partisans et adversaires de la Constitution européenne se disputent pour savoir si cette constitution oriente l'Europe des 25 vers plus de libéralisme, ou ne change rien sur ce terrain à ce qui existait jusqu'à maintenant.

Dans le vocabulaire de tout un chacun, être «libéral», cela signifie simplement être tolérant. Mais pour les politiciens et les économistes, ce terme possède un autre sens. Il désigne une doctrine économique qui, au travers de multiples variantes, proclame le marché libre et la concurrence comme le meilleur moyen de régulation des échanges, récusant réglementations, lois, mesures étatiques, destinées à infléchir les lois du marché.

Ceux qui se déclarent contre le «libéralisme» se prétendent généralement de gauche. Mais que serait donc l'opposé d'une politique libérale? Une restriction du commerce international, des échanges, des droits de douane? Cela, ce ne serait pas un progrès. Le refus de la «déréglementation»? Mais pourquoi ne pas dire que sous ce terme-là se cachent les attaques contre les droits du travail, dont le responsable n'est pas la «politique libérale», mais le grand patronat.

En fait, cette manière de dénoncer le «libéralisme» consiste à déployer un écran de fumée pour masquer les vrais problèmes. Car les classes possédantes ne sont pour le libéralisme que quand cela les arrange. Elles acceptent volontiers les subventions de l'État, mais répugnent par contre à voir l'État réglementer le droit du travail. Et pour les hommes politiques qui représentent les intérêts de ces classes possédantes, se dire pour ou contre le libéralisme est en outre affaire de circonstance... électorale.

Voilà pourquoi on peut trouver des antilibéraux aussi bien parmi les politiciens de droite que parmi ceux qui se disent de gauche, et parmi ces derniers, on peut voir des gens comme Fabius classé parmi les plus libéraux, prendre selon les circonstances des accents antilibéraux. Il l'a montré en se positionnant en faveur du «non», expliquant dans une tribune libre du quotidien Libération du 23 novembre 2004, que dans le texte de la Constitution de Giscard «pour "attirer" l'électeur social-démocrate, on lui concède des objectifs sociaux, mais quand il s'agit des politiques concrètes, le libéralisme est gravé dans le marbre».

Mais en réalité, ce n'est pas à cause de l'Europe, ni parce que ce serait inscrit dans la future Constitution européenne que les patrons, grands ou petits, licencient, ou bien que l'État français supprime des bureaux de poste et démantèle les services publics (cela se fait dans tous les États capitalistes, et bien au-delà de l'Europe des vingt-cinq). Mais c'est parce que l'État français est au service de sa bourgeoisie. Ce n'est pas parce que «Bruxelles» aurait imposé telle ou telle décision, mais parce que cela correspond aux intérêts bien compris des capitalistes. Fabius n'a d'ailleurs pas mené une politique différente de ceux qu'il accuse aujourd'hui de défendre le «libéralisme» quand il était Premier ministre.

Quand on ferme une entreprise parce qu'elle ne rapporte pas assez, ou moins que ce que les actionnaires voudraient, ce n'est pas une politique libérale, c'est le jeu normal du capitalisme. Alors, autant être clair, laisser les mots «libéralisme» ou «ultra-libéralisme» à ceux qui n'ont en fait comme ambition que de gérer les affaires de la bourgeoisie, et dire qu'on est contre le capitalisme.

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