Abracadabrantesque lundi!06/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1914.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Abracadabrantesque lundi!

Survivra, survivra pas? Le lundi de Pentecôte travaillé aurait du plomb dans l'aile. Au point que Raffarin, lui-même, tout en s'y cramponnant, propose d'en faire une «évaluation».

En restaurant (à petite échelle il est vrai) la bonne vieille corvée, un jour travaillé non payé, Raffarin jurait ses grands dieux qu'il avait pris le taureau par les cornes pour venir à la rescousse des vieux, après l'hécatombe de la canicule de 2003. Mais c'est le ministre qui commence à avoir chaud. Même ses amis politiques, en sont à lui planter des banderilles: «cette mesure a été un fiasco et le gouvernement doit en tirer les conséquences» clame le maire UMP de Nîmes, dans le Gard où, pour ménager les recettes commerciales des feria de printemps, le jour de corvée avait été déplacé au lundi de Pâques.

Le Territoire de Belfort, avec son lion, avait suivi le pays des taureaux. Dans l'un comme dans l'autre, le même cirque: vu le nombre de ceux qui ont boudé la journée, la désorganisation des activités économiques a été complète. Quant aux écoles, collèges et lycées, ils sont restés déserts. Rien que les cars de ramassage scolaire roulant à vide ont coûté au département du Gard quelque 100000 euros! Il eut mieux valu donner ça aux maisons de retraite.

La combine à Raffarin était une escroquerie. Elle tourne à la farce.

En échange d'une journée sans salaire, les patrons seraient censés verser à l'État une contribution de 0,3% de la masse salariale. Mais le salaire d'une journée, c'est plutôt 0,45% du salaire annuel; la différence est pour la poche des patrons, les bénéfices en plus. Quant au budget de l'État, qui n'a, nous dit-on, pas de sous pour les hôpitaux, il sera ponctionné des 0,3% pour ses fonctionnaires, sans que ça lui rapporte quoi que ce soit, si ce n'est des frais supplémentaires pour l'ouverture des bureaux, des établissements scolaires, le fonctionnement des transports et tous les services et administrations publics.

Et les parents d'élèves de se demander en quoi envoyer leurs gosses à l'école ce jour-là aiderait les vieux. Autant les garder à la maison, comme les y engage la fédération de parents d'élèves FCPE. Par ailleurs, des syndicats annonçant déjà des appels à la grève, certains se demandent avec malice quel salaire on leur prélèvera, et de quel droit, pour avoir fait grève un jour non payé?

Ce n'est pas la révolution. Juste un petit plaisir. Qui a l'avantage de remettre quelque peu à leur place ceux qui décident sur le dos des travailleurs. Si la fronde commence à prendre, c'est que le mécontentement est sérieux, et dans tous les domaines.

Le samedi 2 avril, François Fillon a encore récolté contre sa loi quelque 60000 manifestants dans tout le pays, dont 15000 à Paris, lycéens, enseignants et parents d'élèves. Pourtant au sommet, le secrétaire de la principale fédération syndicale enseignante, la FSU, Gérard Aschieri, n'est pas de ceux qui comptent mettre le feu aux poudres: oubliant vite l'objectif de l'abrogation pure et simple de la loi Fillon qui vient d'être votée, il se limite à ne demander que ce qui est, à ses yeux, «techniquement possible», à savoir un «collectif budgétaire» pour pallier la baisse des moyens; sa seule déclaration de guerre est de menacer de reprendre la lutte... à la rentré de septembre! Mais des lycéens continuent à manifester. Ils savent l'avenir qu'on leur prépare et n'en veulent pas.

Comme pour enfoncer le clou et souligner à quel point la journée dite de «solidarité» est un vol, voilà que la grève dans les Urgences des hôpitaux se généralise. Deux ans après la canicule, qui avait révélé dramatiquement le sous-équipement des maisons de retraites et des Urgences hospitalières, rien n'a été fait. Si ce n'est de nouvelles réductions d'effectifs et suppressions de lits. Le problème n'est pas tant une prétendue mauvaise répartition des tours de garde entre médecins libéraux et hospitaliers, qu'un manque cruel de moyens pour les hôpitaux publics. La direction des hôpitaux de Paris annonce 1800 suppressions d'emplois. Même le personnel de l'hôpital psychiatrique de Pau en est réduit à se mettre en grève et occuper le bureau de son directeur pour exiger le personnel supplémentaire: promesse de ministre non tenue après l'assassinat de deux soignantes par un malade mental.

Un peu partout, ces dernières semaines, sont apparues dans diverses entreprises des grèves pour les salaires. Certes timides, un, deux ou quelques jours. Mais symptomatiques du mécontentement grandissant sur le problème qui touche tous les travailleurs, la baisse du pouvoir d'achat. L'escroquerie du jour de travail non payé s'y rajoute. Une de ces gouttes d'eau qui peuvent faire déborder le vase.

Alors Raffarin est dans ses petits souliers. D'autant que ses pairs lui reprochent la maladresse de ce jour volé qui tombe (il n'y est pour rien, c'est Chirac qui a choisi la date) à 15 jours seulement de ce fichu référendum. Diable! Si ce lundi mal digéré faisait pencher la balance du Non? Mais pire encore, si une remontée des luttes faisaient carrément passer ledit référendum aux oubliettes? C'est ce qu'on peut souhaiter.

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