Sécuritas - Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle : Le coup de semonce17/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1907.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Sécuritas - Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle : Le coup de semonce

Sécuritas est l'une des nombreuses sociétés de sûreté aéroportuaire qui s'occupent des contrôles, des fouilles et de la surveillance dans les aéroports. Cette activité s'est beaucoup développée depuis l'attentat du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ces entreprises sont bien connues pour distribuer des salaires au rabais en échange de conditions de travail contraignantes.

À Roissy, à l'aéroport n°2, il y a plusieurs entreprises de sûreté, qui se partagent le travail entre les terminaux A, B, C, D, E et F.

Sécuritas est présente aux terminaux A et F. Ses agents de sûreté doivent contrôler les badges ou fouiller les passagers, suivant le poste où ils sont affectés pour la journée. Bien entendu ils ne connaissent pas à l'avance ce poste, ni avec qui ils seront; ils le savent la veille ou le jour même. À certains postes, ils n'ont pas le temps de prendre leur pause ou pas le temps de manger; ni même le temps d'aller aux toilettes! Ce qu'ils savent, c'est que, où qu'ils soient, ils devront être tirés à quatre épingles, avec l'uniforme de la maison, ils auront à rester debout toute la journée dans les courants d'air, le chaud ou le froid, dans les intempéries, sous la surveillance omniprésente des chefs.

Les journées sont d'autant plus longues que le temps de trajet les rallonge parfois de plusieurs heures, du fait de la circulation sur l'aéroport et du manque de transports en commun. Tout cela pour une paye avoisinant les 1100 euros net, car les heures supplémentaires sont annualisées ou même pas comptabilisées (par exemple quand il s'agit d'attendre le départ d'un avion après avoir fait l'embarquement).

Dans ces conditions, on comprend que la note de service nous annonçant l'obligation de ne prendre que deux semaines de congé en été a déclenché la colère, d'autant plus que la plupart sont originaires d'Inde, d'Afrique ou de pays lointains.

Un préavis de grève a été déposé pour le mercredi 9février. En attendant, nous avions mis au point nos revendications, toutes liées aux salaires et aux conditions de travail: 200 euros d'augmentation de tous les salaires; les primes attribuées à tous; les heures supplémentaires et les indemnités kilométriques payées à tous; respect des agents par la hiérarchie; suppression de la note relative aux congés imposés, etc. Et nous avons désigné plusieurs d'entre nous pour accompagner les délégués si ceux-ci étaient reçus par la direction.

Celle-ci avait cinq jours pour engager les négociations. Cela a été le silence radio. Si bien que le mercredi matin, dès 7 heures, nous nous sommes retrouvés à 88, sur un effectif de 128 travailleurs du terminal 2A, en assemblée générale, à voter unanimement la grève reconductible.

Il ne nous a pas fallu de "stages d'habilitation" ni de "badges spéciaux" pour apprendre à faire nos pancartes et nos banderoles affirmant haut et clair que nous en avions assez d'être méprisés et pour aller défiler dans les halls de l'aéroport. Cela a surpris la direction. Au vu du nombre, du dynamisme et de la détermination des grévistes, comme l'a dit un responsable de Sécuritas: "Cette note sur les congés, c'était une connerie..."

La grève a été reconduite le 10, puis le 11, jour où les salariés de l'entreprise de sûreté Alésia se mettaient en grève eux aussi sur les salaires et les conditions de travail. Nous sommes allés manifester dans tous les terminaux; en particulier devant l'embarquement de la compagnie American Airlines, client de Sécuritas. Là nous avons distribué des tracts et pris la parole pour expliquer aux passagers les raisons de notre grève, et aussi les mettre en garde contre les vols non sécurisés. Il y eut de nouvelles manifestations et défilés avec les collègues de l'entreprise de sûreté Alésia. Vendredi 11, nous étions près de 300 à défiler en criant nos slogans, pour aller au terminal 1, secteur des salariés d'Alésia. Notre mouvement a occasionné des retards et des annulations de vols.

Pour la presque-totalité d'entre nous, c'était la première grève et nous avons appris beaucoup en quatre jours. Nos chefs, habitués à nous surveiller, étaient obligés de travailler et d'essayer d'assurer nos postes. Et dès 5 heures du matin, les directeurs étaient sur le pied de guerre.

Au bout de quatre jours de grève totale, en assemblée générale, nous avons décidé la reprise, sachant que pour Sécuritas ce n'était pas une question d'argent mais de principe.

La direction n'a rien cédé d'essentiel. Mais nous sommes contents d'avoir mené cette grève. Car si la reprise a eu lieu, nous sommes bien décidés à ne plus nous laisser faire.

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