À l'école des lycéens17/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1907.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

À l'école des lycéens

Après les journées des postiers, des cheminots, de la fonction publique, et après la journée commune du samedi 5 février, ce sont les lycéens qui sont dans la rue. Ils étaient 100000 dans toute la France le jeudi 10 février, après 15 jours où ils se sont organisés, dans leurs lycées puis d'un lycée à l'autre. Un nouveau rendez-vous est fixé au mardi 15 février où ils manifesteront avec les enseignants. "Fillon, serre les fesses, on arrive à toute vitesse" n'est pas leur slogan le plus politique, mais celui qui probablement touche le plus vivement le ministre Fillon dans sa chair! Les lycéens exigent le retrait de la "loi d'orientation sur l'école" dudit ministre, qui s'est déjà illustré aux affaires sociales en 2003, contre les retraites.

Le mouvement est d'abord une révolte contre les inégalités sociales. Sous prétexte d'assurer à tous les élèves un "socle commun de connaissances", juste ce qu'il faut de français, de calcul, d'anglais et d'informatique pour être exploitable en entreprise, le gouvernement veut faire des économies.

La mesure la plus visible est ce "bac par contrôle continu", qui remplacerait l'actuel examen national et anonyme. Chacun sait qu'un "bac Sarcelles" ne vaudrait pas un "bac Henri IV", des beaux quartiers de Paris. Déjà aujourd'hui, un "bac pro", ne vaut pas un "bac techno", qui ne vaut pas un "bac littéraire" ou "bac scientifique". Fillon voudrait ajouter le stigmate géographique à la discrimination sociale existante.

Mais le bac est la partie émergée de l'iceberg. Le projet Fillon vise aussi à supprimer des profs, des classes, des disciplines, des filières, des cours et travaux pratiques par petits groupes. Il vise aussi à amputer la "masse salariale" en supprimant des milliers de postes dès la rentrée prochaine. Là où il faudrait au contraire quelque 100000 enseignants et personnels d'encadrement supplémentaires, au bas mot. La politique de désertification des lycées et collèges en adultes, comme celle des hôpitaux en personnel soignant, des trains et des gares en cheminots, est criminelle. À ceci près que dans les écoles, ce sont les gosses qui trinquent. Et ce ne sont pas les flics que Fillon va poster à l'entrée qui vont arranger les choses. Les jeunes veulent des lumières, pas des gyrophares.

Chirac-Fillon creusent l'incurie et l'injustice perpétuées de législature en législature depuis plus de 20 ans par tous les gouvernements, à commencer par celui où le socialiste Allègre se promettait de "dégraisser le mammouth". Politique dont les plus défavorisés paient le prix fort. Car les familles plus aisées suppléent les carences de l'école publique par des cours particuliers qu'elles payent.

La mobilisation lycéenne a déjà contraint Fillon à en rabattre. Il annonce le report, sinon l'annulation de sa réforme du bac. Preuve que la colère de la jeunesse s'est fait entendre et redouter. Non seulement parce que le mouvement lycéen en est à ses débuts, mais aussi parce qu'il peut faire contagion chez les aînés. La politique gouvernementale et patronale a accumulé les mécontentements: contre les bas salaires, contre les licenciements et la pénurie d'emplois dans les services publics, contre la précarité sous toutes ses formes. L'étincelle lycéenne peut allumer la flamme.

Certes, comme leurs aînés, les lycéens n'ont pas à affronter que leurs ennemis du patronat et du gouvernement, mais quelques faux amis du parti socialiste qui ne les accompagnent dans leur mouvement que pour les dividendes électoraux qu'ils en escomptent aux prochaines présidentielles. Mais pour tous ces politiciens, pas facile de faire rentrer le dentifrice dans le tube, selon leur image apeurée.

Les travailleurs doivent venir à la rescousse des lycéens. Leur exprimer leur sympathie, leur solidarité. Mais surtout, et pourquoi pas, les suivre dans le combat engagé et donner à la journée du 5 février la suite que les directions syndicales se refusent, à ce jour, à préparer.

C'est parce que Fillon et Chirac savent quels contingents de travailleurs pourraient arriver derrière la jeunesse, comme en mai 68, qu'ils n'affichent pas tant de superbe.

Éditorial des bulletins d'entreprise L'Étincelle, du lundi 14 février 2005, édités par la Fraction.

Convergences Révolutionnaires n° 37 (janvier-février 2005)
Bimestriel publié par la Fraction
Dossier: salaires, la contre-offensive s'impose: 300 euros pour tous
Articles: L'école de Fillon, apartheid social sur fond d'économies budgétaires - Amiante: encore 500000 morts à venir - Intermittents du spectacle: nouvel avis de tempête? - La Turquie en Europe: vers une adhésion de raison - La grève d'Opel Bochum (Allemagne): un combat qui fait débat.
Pour se procurer ce numéro, 1,5 euro, ou s'abonner (1 an: 9 euros; de soutien: 15 euros) écrire à: LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18 ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19Sur le Net: http://www.convergences revolutionnaires.org

Partager