La mort d'Alfred Sirven : Le silence est d'or17/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1907.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La mort d'Alfred Sirven : Le silence est d'or

Alfred Sirven, qui vient de mourir d'une crise cardiaque à 77 ans, avait été condamné en 2003, dans le procès Elf, à cinq ans de prison pour détournements de fonds et devait passer devant la cour d'appel en mars 2005. Sirven était avec Loïk Le Floch-Prigent, PDG d'Elf à l'époque, et André Tarallo, le "monsieur Afrique" du groupe pétrolier, un des principaux accusés du "casse du siècle" pour reprendre l'expression d'un avocat d'Elf.

Le procès avait mis en évidence les méthodes politico-mafieuses d'Elf dont la caisse noire, alimentée par les milliards du pétrole, servait à corrompre chefs d'État, diplomates ou chefs d'entreprise pour le plus grand bien des intérêts du groupe pétrolier: on trouvait parmi ceux-ci Roland Dumas, avocat d'affaires, ex-ministre des Affaires étrangères de Mitterrand, devenu président du Conseil constitutionnel et grand amateur d'antiquités et de chaussures de luxe, à plus de 1 500 euros la paire, que lui offrait sa maîtresse d'alors, appointée par Elf comme "chargée de mission"... Au passage, Sirven, Tarallo et des dizaines d'autres se servaient largement: sur les 350 millions d'euros détournés, près de la moitié, soit 150 millions, étaient passés dans les poches de Sirven.

Sirven était d'ailleurs un habitué de ces méthodes, puisque, outre le procès Elf, il était mis en accusation pour "tentative d'escroquerie" dans l'affaire des frégates vendues en 1991 à Taïwan, moyennant de juteuses commissions. Il était aussi poursuivi dans le dossier Elf Aquitaine International, pour avoir accordé des salaires fictifs à des proches de Mitterrand et de Pasqua.

Sirven, au moment de son arrestation aux Philippines, avait déclaré détenir des secrets capables de "faire sauter vingt fois la République". Mais au cours de son procès, ce "monsieur qui sait tout mais ne dit rien" a choisi de rester dans le flou, se refusant à cracher le morceau, sauf pour "mouiller" son PDG, Le Floch-Prigent qui, lançant le bouchon un peu loin, avait déclaré qu'il ignorait tout des agissements de Sirven et de Tarallo.

On en est là: jusqu'à plus ample informé, Sirven a respecté jusqu'à la fin la loi du silence en vigueur dans ce milieu politico-affairiste qui mérite parfois le nom de "milieu" tout court. Mais allez savoir s'il n'a pas laissé quelque part quelque cassette ou autre témoignage qui réserverait encore une suite au feuilleton.

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