La «crise sociale» dont ne veulent ni le gouvernement ni le PS09/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1906.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La «crise sociale» dont ne veulent ni le gouvernement ni le PS

À l'occasion des manifestations du 5 février, le PS n'a pas raté sa mise en scène. Dans les commentaires des journaux et télévisions qui ont suivi, Aubry, Strauss-Kahn et Lang à Lille, ainsi que Fabius à Carcassonne et Hollande à Rennes, ont eu la part belle. Ces gens-là n'ont-ils aucune responsabilité dans les attaques en règle qui ont abouti à la situation dramatique qui est aujourd'hui celle d'une grande partie de la classe ouvrière? Il faut être amnésique, ou alors bien jeune, pour oublier que tous ces dirigeants du PS ont participé aux gouvernements de gauche qui, depuis plus de vingt ans, en alternance avec ceux de droite, se sont attaqué aux conditions de vie des travailleurs.

Interrogée mardi 8 février sur Canal Plus, Martine Aubry a dénoncé, en bloc et sans aucune honte, la diminution du pouvoir d'achat, l'augmentation du prix des loyers et de celui de la santé, la mise en cause des services publics et de l'Éducation nationale, la baisse des impôts pour les riches. Mais qui donc a inventé le forfait hospitalier et la CSG, si ce n'est la gauche avec, respectivement, les gouvernements Mauroy et Rocard? Qui a dressé la liste des médicaments destinés à ne plus être remboursés par la Sécurité sociale, si ce n'est Martine Aubry, même si la gauche n'est pas restée assez longtemps au gouvernement pour appliquer ce déremboursement et si c'est finalement la droite qui l'a mis en place?

La liste est longue des mesures antiouvrières préparées et commencées par la gauche, puis continuées et amplifiées par les gouvernements de droite. Elle démontre, s'il le fallait encore, que rien de fondamental ne différencie les politiciens de gauche de ceux de droite, si ce n'est leur étiquette. Ils sont les serviteurs et les avocats de la bourgeoisie, et les ennemis du camp des travailleurs.

Lors de la même interview sur Canal Plus, mardi 8 février, Martine Aubry a déclaré: «Je n'ai jamais souhaité une crise sociale pour mon pays, c'est la pire des choses.» Et elle a renchéri: «Jamais on ne peut, quand on est un homme ou une femme politique responsable, souhaiter un embrasement.» Et là, elle était plus sincère que quand elle dénonce la politique de Raffarin et de ses compères.

Car, pour mettre enfin des bâtons dans les roues de cette politique qui, depuis des années, entraîne une partie de plus en plus importante des travailleurs vers la misère et diminue le niveau de vie des autres, il faut justement qu'une véritable crise sociale explose. C'est vieux mais, en 1936, c'est l'explosion sociale, l'occupation des usines pendant des jours, la colère ouvrière que le gouvernement ne parvenait pas à contrôler, qui firent céder les patrons. En 1968, c'est aussi la crise sociale durable, la grève étendue à tout le pays et que les rappels à l'ordre des ministres ne suffisaient pas à éteindre, qui accula le gouvernement à jeter du lest. Plus près de nous, en 1995, si Juppé fut contraint de remballer son projet contre la Sécurité sociale et les retraites du secteur public, c'est parce que, pendant plusieurs semaines, la mobilisation des cheminots allait grandissant, entraînant avec elle d'autres secteurs.

C'est bien ce type de crise que patrons et gouvernants redoutent, qu'ils s'appellent Raffarin ou Martine Aubry. Les manifestations ponctuelles, dont le début et la fin sont notés sur le calendrier, ne peuvent effrayer ni la bourgeoisie ni le gouvernement. Ils en ont l'habitude et en connaissent d'avance les limites. La seule chose qu'ils craignent, ce sont les réactions de colère de la classe ouvrière, ses réactions, ses offensives qu'ils ne peuvent contrôler et dont ils ne peuvent prévoir, chaque soir, jusqu'où elles iront le lendemain. Alors oui, Madame Aubry, vivement la crise sociale!

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