Procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc : Les plus responsables ne sont pas parmi les accusés03/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1905.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc : Les plus responsables ne sont pas parmi les accusés

Seize personnes sont accusées par la justice pour l'incendie qui a fait 39 morts, le 24 mars 1999, dans le tunnel du Mont-Blanc. Il y a d'abord le chauffeur du camion qui a pris feu, provoquant l'incendie général. Quelques salariés du tunnel, français et italiens et quelques responsables, dont des dirigeants des deux sociétés exploitantes, l'AMTB côté français et la SITMB, côté italien. Et, pour l'État français, propriétaire de 54% des parts de l'AMTB, seulement une haute fonctionnaire du ministère de l'Équipement. La justice n'a pas été voir plus haut. Aucun préfet, aucun ministre ne figurent parmi les accusés, et en particulier pas Balladur qui a présidé l'AMTB durant douze ans, période durant laquelle fut créée la société de gestion du tunnel.

Pourtant en mars 2001, le défenseur des victimes, MeJakubowicz, avait considéré que la mise en examen de Balladur était "inéluctable" et "nécessaire pour l'évolution du dossier". Eh bien, Balladur paraîtra bien à la barre, mais seulement en tant que témoin. Il avait en effet, comme il le répète, quitté ses fonctions au tunnel dix-neuf ans avant la catastrophe.

Seulement voilà, c'est dès le début que le tunnel était dangereux... et il l'est d'ailleurs toujours. Construit avec un gabarit de 7 mètres de large, suffisant pour les automobiles, il est très juste pour les camions. Ceux qui l'ont emprunté, ou ceux qui ont vu des reportages à la télévision en compagnie de chauffeurs routiers ont pu le remarquer: les camions se croisent avec peu de marge de sécurité. Il n'existe pas de voie de dégagement d'urgence, seulement des refuges tous les 600 mètres. Au départ le tunnel était prévu surtout pour les véhicules de tourisme. Mais ensuite il a connu un trafic de plus en plus intense de camions. En cas de problème avec un camion cela peut facilement tourner au désastre. C'est ce qui s'est produit le jour de la catastrophe.

Un chauffeur a découvert, suite à des appels de phares de véhicules venant en face, que son chargement était en feu. Il aurait dû s'arrêter dans un refuge. Oui mais voilà, il y en a tous les 600mètres. Il s'est donc immobilisé sur place pour, dit-il, chercher un extincteur, pensant que les voitures derrière lui ralentiraient et s'arrêteraient. Seulement le feu était déjà si fort qu'il n'a pu que fuir, laissant son camion sur place.

Ce chauffeur qui n'a eu que quelques instants pour réagir, on l'accuse d'être à l'origine du drame. Mais les dirigeants du tunnel avaient eu 34 ans pour prendre des dispositions, dont douze ans sous Balladur, depuis l'inauguration en 1965.

Or on constate une invraisemblable accumulation de carences: pas d'exercices incendie dans les dernières vingt-cinq années qui ont précédé le drame. Le matériel italien et français n'était pas compatible. Le téléphone direct reliant le côté français aux pompiers était caché dans un placard, derrière un pupitre. Et tout le reste à l'avenant.

Tout cela peut se résumer en quelques mots: la sécurité ne faisait absolument pas partie des préoccupations des dirigeants.

Ils encaissaient avec satisfaction les sommes considérables que rapportait le tunnel, pendant que les dépenses de sécurité étaient extrêmement limitées.

Le procès aurait dû être celui de la recherche du profit. Apparemment il ne le sera pas et se contentera sans doute de faire condamner quelques lampistes et quelques responsables subalternes sans toucher les plus haut placés.

Et comme bien d'autres, le tunnel du Mont-Blanc continuera à rapporter beaucoup d'argent et à être dangereux...

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