Il faut une contre-offensive des travailleurs03/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1905.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Il faut une contre-offensive des travailleurs

L'Assemblée nationale est en train de voter la proposition de loi dite d'"assouplissement des 35 heures". En fait d'"assouplissement", les jours de RTT pourront être payés au lieu d'être pris en temps de repos, le nombre d'heures supplémentaires sera augmenté sans que la rétribution en soit majorée de 25% pour toutes. Disparaîtra donc le seul avantage de la loi des 35 heures, une certaine réduction du temps de travail, tandis que les patrons conserveront les avantages qu'Aubry, puis Fillon, leur ont accordés en contrepartie. On aura la "liberté" -comme ose l'affirmer cyniquement le ministre du Travail- de travailler jusqu'à 48 heures par semaine, voire, éventuellement, jusqu'à 60 heures.

Après avoir freiné les salaires depuis des années; après avoir réduit le pouvoir d'achat de tous et l'avoir écrasé pour beaucoup, voilà que le patronat et le gouvernement nous octroient la "liberté" de travailler plus pour gagner plus mais pas proportionnellement. La "liberté" de s'user plus sur les chaînes de montage, derrière les caisses de supermarché, à l'atelier ou au bureau, pour gagner un salaire de moins en moins suffisant pour payer son loyer et pour assurer le quotidien.

Ce projet est une nouvelle agression contre le monde du travail. Une de plus.

Les confédérations syndicales appellent à manifester le samedi 5 février pour protester contre ce projet, pour l'emploi et pour les salaires.

Malgré les objectifs vagues mis en avant par les syndicats, il faut que ces manifestations soient un succès. Il le faut pour montrer que les travailleurs en ont assez de recevoir des coups, assez de voir leurs conditions de vie se dégrader.

Il le faut aussi pour obliger les organisations syndicales à donner une suite à cette journée. Jusqu'ici, aucune centrale syndicale ne propose un plan d'action. Aucune centrale n'annonce quelle suite elle propose de donner à cette journée qui, même très réussie, ne suffira pas à faire reculer le gouvernement et le patronat si elle reste sans lendemain.

Il est évident que, si les travailleurs ne réagissent pas, les coups continueront à tomber. Alors que les salaires n'augmentent pas, les prélèvements supplémentaires se succèdent, s'ajoutant les uns aux autres.

Pour des millions de travailleurs qui n'ont que des contrats précaires ou à temps partiel, il suffit de peu pour basculer dans la pauvreté et être incapable de payer son loyer. Le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre parle d'une augmentation importante des "personnes hébergées", c'est-à-dire de ces femmes ou hommes, des nôtres, qui seraient dans la rue si des parents ou des proches n'acceptaient de se serrer dans des appartements déjà exigus, pour pallier la défaillance de l'État à construire des logements dont les loyers soient abordables. Ceux qu'on trouve ne sont pas à la portée d'un salaire ouvrier.

Et cette dégradation visible, dramatique, de la vie de millions de personnes se produit alors que les profits patronaux s'envolent, que la bourgeoisie s'enrichit et que le gouvernement multiplie les faveurs envers le patronat et les plus riches.

Ce gouvernement est un gouvernement de classe. Toutes les mesures qu'il prend vont dans le sens des intérêts des possédants, en sachant que ce faisant il accroît la pauvreté dans les classes populaires.

Ni le patronat ni le gouvernement ne changeront d'attitude s'ils ne sentent pas la colère monter dans la classe ouvrière et que cette colère va devenir une menace.

Alors, si nous ne voulons pas que notre sort continue à empirer, il faut être nombreux à participer aux manifestations du 5 février. Il faut faire pression sur les organisations syndicales pour les contraindre à donner une suite à cette journée.

Une contre-offensive des travailleurs est absolument nécessaire, si nous ne voulons pas que les licenciements continuent, que le pouvoir d'achat des travailleurs baisse, que l'État diminue encore l'allocation chômage et l'accès aux soins. Elle est possible et elle dépend de nous tous.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 31 janvier 2005

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