Allemagne : Des syndicats qui favorisent la division03/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1905.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Des syndicats qui favorisent la division

Depuis quelque temps, en Allemagne, se multiplient les accords signés entre le patronat et les syndicats, dans lesquels les salariés syndiqués sont mieux traités que ceux qui ne le sont pas.

Dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, la fédération syndicale des métallurgistes, l'IG Metall, a déjà paraphé plus d'une trentaine d'accords d'entreprise comportant de tels "bonus pour les syndiqués". Cela peut aller de primes plus importantes à des jours de congés supplémentaires. Dans une entreprise de Bochum, alors que le patronat a imposé un horaire à 40 heures, payé 35 heures, le syndicat a ainsi négocié, "en compensation", que la prime de fin d'année soit maintenue pour ses seuls membres.

Depuis le début 2005, c'est l'IG-BCE, la fédération syndicale des mines, de la chimie et de l'énergie, qui étudie l'introduction d'un tel système, à l'échelle d'une branche cette fois et plus simplement d'une entreprise. Quant au président de Verdi, la fédération des activités de services, il a aussi pris position pour.

Pour l'instant, cette pratique demeure minoritaire, mais sa généralisation est donc envisagée par les directions syndicales. Cette idée tordue a germé dans la tête de certains bureaucrates car, depuis des années, les syndicats perdent des adhérents. La principale confédération, le DGB, a ainsi perdu, entre 2001 et la mi-2004, environ 800000 membres (elle en revendique encore plus de 7 millions). Ce recul a plusieurs causes. Il est le résultat de la persistance d'un chômage élevé, de la diminution des effectifs salariés dans certains secteurs, comme la métallurgie ou les mines, où les syndicats étaient puissants, de la restructuration de grosses entreprises avec l'externalisation du travail chez des sous-traitants. Mais il est aussi une réaction à l'incapacité des syndicats à s'opposer à l'offensive patronale. Aux yeux de bien des travailleurs, ceux-ci apparaissent impuissants face aux attaques qui touchent tous les acquis de la période précédente, quand ils ne s'en font pas les propagandistes. Ils se révèlent aussi complices de la politique antiouvrière du Parti Social-démocrate au pouvoir. Cela contribue à la démoralisation générale et à la désaffection à leur égard.

Evidemment, les directions syndicales ne souhaitent pas discuter de leur bilan. En promouvant ce système de "bonus", elles espèrent faire coup double: masquer leur incurie en accusant, implicitement ou non, les travailleurs "non organisés" d'être responsables de la faiblesse des syndicats; et gagner à nouveau des adhérents, attirés par quelques (petits) avantages matériels. Mais en développant un tel clientélisme, pour préserver leurs intérêts de boutique à court terme, elles sèment surtout un poison dangereux pour la classe ouvrière.

Le premier bénéficiaire de ces accords est, bien évidemment, le patronat. D'abord parce qu'il s'assure, de cette manière, l'aval des syndicats à ses plans antiouvriers. En outre, il s'agit d'une pratique discriminante, qui conduit à une division supplémentaire au sein de la classe ouvrière, comme s'il n'y en avait pas déjà assez, entre les chômeurs et ceux qui ont un emploi, entre les embauchés et ceux qui ont un statut précaire, entre les différents coefficients, etc.

Et surtout une telle attitude des syndicats (qui regroupent en Allemagne environ 20% des salariés, donc une minorité) va à l'encontre de tout esprit de cohésion entre les travailleurs. Elle ne peut que donner des arguments à tous ceux qui militent contre l'idée même de la solidarité ouvrière (l'extrême droite ou les courants intégristes, entre autres) pour créer des divisions sur des bases réactionnaires.

Contre l'offensive patronale en cours, il serait urgent, au contraire, d'organiser sérieusement la riposte. Sans doute, les travailleurs ne se remobiliseront pas du jour au lendemain, car il y a tout un passif à effacer. Mais ce serait bien cela, le rôle des syndicats: en s'appuyant sur les salariés les plus combatifs et les plus conscients, ils devraient travailler à redonner à tous, syndiqués comme non-syndiqués, la confiance en la force collective des travailleurs. Au lieu de contribuer eux aussi à les diviser.

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