Tactique douteuse, retombées positives ?20/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Tactique douteuse, retombées positives ?

Ce n'est peut-être pas ce que les directions syndicales avaient prévu. Ou si c'était ça, les cachottières, elles l'avaient soigneusement planqué. Mais le fait est là. Cette semaine de grèves dans les services publics a remis à l'ordre du jour la nécessité du mouvement d'ensemble dans bien des esprits.

Certes, il y a encore sans doute des sceptiques. Le vieux préjugé que moins on est à revendiquer et plus il y a de chances que le patron puisse céder, a la vie dure. Et confortés dans cette idée par la politique syndicale -et aussi par des défaites comme celle du mouvement contre la réforme des retraites au printemps 2003-, des travailleurs pensent qu'ils auront plus de chances de s'en sortir si leur entreprise, leur centre ou leur catégorie est seule à revendiquer, voire se battre et entrer en grève.

Ainsi, par exemple, certains postiers parisiens, y compris dans les arrondissements qui sont menacés dès le mois prochain par les suppressions d'emplois (jusqu'à un tiers des facteurs en moins) ont exprimé méfiance vis-à-vis des journées nationales et préférence pour un mouvement réduit à leur seul bureau. À la SNCF certains cheminots parlaient de continuer mais sur des objectifs propres à leur filière. Voire des profs qui constatent que leur matière est frappée plus que d'autres.

Ambiguës certes, ces réactions. Car elles expriment aussi une méfiance raisonnée et raisonnable envers la réelle volonté des directions syndicales d'organiser vraiment la riposte d'ensemble. D'où la tentation d'essayer de s'en sortir tout seuls.

Ambiguïté renforcée encore par les directions syndicales elles-mêmes que l'on sent parfois prêtes à un petit jeu connu: celui de pousser les plus chauds ou ceux qui se sentent le dos au mur à l'action immédiate... afin de leur démontrer qu'ils sont vraiment tout seuls et que les autres ne suivent pas. Plus facile évidemment que de poser les vrais problèmes aux plus déterminés: les conditions auxquelles ils auraient des chances d'entraîner les autres et ce qu'ils devraient faire pour cela. Mais ce serait alors préparer le mouvement. Et c'est justement ce que les directions syndicales n'ont pas fait ces derniers temps, préférant découper, scinder, éparpiller, et encore cette semaine où les postiers sont appelés un jour, les cheminots, gaziers et électriciens un autre, les enseignants et fonctionnaires un troisième.

Ces journées peuvent pourtant avoir un résultat positif, marquer une relance des luttes, être une étape vers le tous ensemble. Du moins si elles connaissent la réussite espérée par les plus combatifs (et crainte par le gouvernement et les patrons).

Pendant trois jours, même si c'est les unes après les autres, toutes les corporations les plus importantes du secteur public ou para-public entrent en lutte. Et toutes fondamentalement sur les mêmes revendications (car les 18, 19 et 20 janvier, postiers, EDF-GDF, cheminots, profs et fonctionnaires manifestent tous à la fois pour le service public et contre les milliers de suppressions d'emplois qui les menacent et la dégradation de leur niveau de vie... c'est même sur des revendications similaires que des catégories de médecins ont décidé aussi de se joindre à cette semaine de protestation).

Comment mieux attirer l'attention de tous, y compris du privé, que le monde du travail tout entier a les mêmes problèmes et devrait donc avoir les mêmes objectifs: défense du service public, interdiction des licenciements, augmentation conséquente des salaires. Et comment mieux démontrer que si des centaines de milliers de travailleurs différents peuvent entrer en mouvement chaque jour trois jours durant, ils pourraient tout aussi bien le faire ensemble le même jour, être alors des millions et du coup en attirer d'autres millions, ceux qui sont encore sceptiques sur la possibilité d'un mouvement ou sur la possibilité de vaincre.

C'est à convaincre de ces conclusions, qui s'imposent d'ailleurs d'elles-mêmes à beaucoup, que nous devons maintenant travailler. Et tant mieux si les directions syndicales nous en ont fourni l'occasion. Qu'elles l'aient fait volontairement ou pas.

Et si cette semaine redonnait du poil de la bête à certains postiers, cheminots ou enseignants, et l'envie de continuer la grève pour leurs propres revendications -ce que nous ne pourrions que souhaiter évidemment- c'est encore dans cette perspective générale que nous devons soutenir leur action.

Devant la nouvelle attaque du gouvernement et du patronat à propos de la durée du temps de travail, les confédérations CGT, FO, CFTC, CFDT ainsi que UNSA et les Sud, proposent une nouvelle journée de manifestations, le 5 février. Certes, c'est un samedi -ce qui leur épargne pratiquement un appel à la grève générale même d'une journée- mais c'est aussi un appel à tous les salariés, cette fois public et privé. Une nouvelle occasion à saisir d'une démonstration de la nécessité comme de la possibilité du mouvement d'ensemble sur les objectifs d'ensemble.

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