Sur France 3 : L’aventure d’Homo sapiens20/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Sur France 3 : L’aventure d’Homo sapiens

Le film Sapiens, diffusé le 11 janvier sur France 3, a été présenté comme un «docu-fiction», un peu documentaire, un peu fiction. À l'exception de ce qu'on sait de l'évolution physique d'Homo sapiens sur les 400000 ans que raconte cette histoire, il comportait beaucoup de fiction, car il y a pas mal de trous dans les connaissances scientifiques de cette aventure.

Le pari était difficile à tenir car, comment imaginer les sentiments, les comportements, le ou les langages des générations de sapiens qui se sont succédé sur une telle durée ? Si les scientifiques connaissent quelques-unes des grandes étapes de l'apparition d'Homo sapiens à partir d'Homo erectus et de sa vie de chasseur itinérant, pour le reste, l'imagination, y compris l'imagination poétique, est bien obligée de suppléer à la connaissance.

De l'animal à l'homme, sans intervention divine

L'aventure qu'on nous raconte a, au moins, l'énorme intérêt de nous montrer l'homme passant, au fil des millénaires, de l'animalité à l'humanité sans intervention divine. Dieu, Adam et Eve, pour ne citer qu'eux, ne figurent pas dans cette histoire. Par contre figurent un certain nombre d'étapes réelles et quasiment prouvées, même si ces étapes ne se sont pas produites telles que le film est plus ou moins contraint de les imaginer.

En fait, il n'y a pas seulement des étapes mais plusieurs voyages vertigineux.

Le film montre Homo sapiens parti sur les traces d'Homo erectus, l'Homme debout, celui qui marche sur ses deux membres inférieurs, deux membres qui l'ont conduit pratiquement à l'autre bout de la Terre ou, plus précisément, du continent eurasiatique. Le film montre donc Homo sapiens suivre, en grande partie, les mêmes chemins que son prédécesseur de plusieurs centaines de milliers d'années, dont il va retrouver les descendants tout au long de sa route. Le film met en scène les deux espèces humaines pactisant et capables d'avoir une descendance commune. Peut-être... Sûrement pas pensent d'autres scientifiques... Mais pour le spectateur, le problème n'est pas là. Sentimentalement, nous préférerions qu'ils aient pactisé et que nous soyons leur descendance commune plutôt que de penser que l'un a détruit l'autre. Mais sachons que bien d'autres espèces humaines ou pré-humaines ont disparu dans la nuit des temps, que ce soit Homo-ergaster, Néandertal et tous les Australopithèques pré-humains dont Lucy est la plus connue.

Ce docu-fiction fait vivre ces lointains ancêtres qui sont des hommes comme nous, disposant des mêmes capacités intellectuelles, de la même curiosité, de la même «bougeotte» qui les poussait à toujours aller voir plus loin et à imaginer ce qu'ils ne pouvaient expliquer. Bien sûr, le film utilise ce que ses auteurs appellent des «ellipses», c'est-à-dire des scènes qui, en quelques secondes ou quelques minutes, retracent une évolution de dizaines de milliers d'années, voire plus.

Une scène nous montre un couple d'erectus dont la femme met au monde un enfant, présenté comme le premier des Homo sapiens. Dit comme cela, on pourrait penser que les auteurs ont voulu voir Eve en elle. Mais quand on la voit, il est manifeste qu'ils n'en font pas une représentation biblique. Il faut prendre cette scène comme une scène symbolique qui représente toute une évolution.

Autre raccourci ou ellipse: on voit sur un radeau un petit groupe d'hommes, de femmes et d'enfants, qui seraient un peuple de l'eau, qui descend un fleuve longtemps, longtemps. À son embouchure sur la mer, ils continuent à ramer ou à être emportés par un courant et se retrouvent, sans même vieillir, sur ce qu'ils croient être l'autre rive mais qui est l'Australie. C'est évidemment un raccourci historique considérable de multiples tentatives, dont la plupart ont dû échouer. Mais c'est effectivement ainsi que Sapiens a peuplé l'Australie. Il était tenace!

Sentiment religieux et besoin d'expliquer

Dans une autre scène, un groupe de ces humains pris sous un orage voit périr une femme et sa fille sous la foudre; en même temps, la pluie laisse apercevoir une grande antilope. Plus tard, alors que ses compagnons tuent ce qu'ils croient être la même antilope, la jeune fille sort d'un coma prolongé au moment même de la mort de l'antilope. De là à imaginer qu'il y a un autre monde où voyagent ceux qui sont ou paraissent morts...

Les auteurs décrivent ainsi l'apparition du sentiment religieux. C'est là encore une ellipse. Le sentiment religieux a sans doute mis longtemps à apparaître pour l'ensemble de cette humanité primitive: sûrement pas comme les auteurs du film le montrent mais il est réellement apparu dans ces cerveaux humains pour expliquer les rêves, la mort et tous les phénomènes qu'ils ne pouvaient comprendre dans la nature qui les entourait comme la foudre, les fleuves en crue, les grands animaux puissants dont ils craignaient la colère. À tous, ils attribuaient des sentiments semblables aux leurs. Des hommes qui enterraient leurs morts et peignaient les parois de certaines grottes ne pouvaient qu'avoir de tels sentiments.

L'Homme a ainsi construit dans son cerveau des divinités, qui n'existaient pas dans la nature. Il faut comprendre que cette tentative d'expliquer la nature a été le premier grand progrès intellectuel de l'humanité. Il y avait bien sûr eu des inventions technologiques - les outils, le feu, les pieux taillés, les techniques de chasse -, mais cette construction religieuse, elle, était un raisonnement à l'état pur. Sur ce sentiment se sont construites - toujours à l'image de ce qui entourait l'Homme, la nature puis la société- différentes religions qui durent encore, malheureusement. Mais elles ont toutes, à leur début, été le fait d'une démarche intellectuelle pour s'expliquer le monde et ont même, à cette époque, joué un rôle positif.

Les auteurs ont beaucoup, peut-être trop, parlé de chamanisme. Chaque groupe humain avait, selon eux, son chaman, c'est-à-dire un interprète pour communiquer avec cet autre monde. Nous leur laisserons cette vision, car ni eux ni nous n'en savons rien.

On pourrait considérer tout cela comme des faiblesses mais comment raconter 400000 ans d'histoire humaine en un seul film? Bien sûr, on peut sans doute faire mieux dans les détails et quelqu'un d'autre, inspiré par celui-là, le fera peut-être.

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