Russie : Les retraités dans la rue20/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Les retraités dans la rue

Au cours du week-end du 15 janvier, des milliers de retraités mais aussi des anciens combattants ont manifesté dans de nombreuses villes de Russie au cris de «Poutine pire qu'Hitler» ou «Non au génocide». La manifestation la plus importante a eu lieu à Moscou, avec 10000 participants. Les manifestants dénoncent la politique sociale «criminelle» de Poutine, et ses ministres «assassins des vieux et des invalides». Ce sont des mesures, votées l'an dernier, mais entrées en vigueur le 1er janvier, qui ont fait éclater leur colère.

Le gouvernement Poutine a en effet supprimé le système d'avantages en nature, issu de l'ex-Union soviétique, qui existait pour les retraités, les invalides, les anciens combattants, les héros du travail ou de l'armée et d'autres catégories défavorisées. Sont ainsi supprimés la gratuité des médicaments de base, celle des transports en commun, les traitements médicaux gratuits ou à tarifs réduits dans les sanatoriums ou les stations thermales, ou encore des réductions du téléphone ou des loyers.

En conséquence de quoi, par exemple, les contrôleurs du métro et des tramways ne font plus seulement la chasse aux resquilleurs mais également aux retraités... Mais cela peut tourner parfois à l'affrontement, comme à Tver, au nord de Moscou, après qu'un contrôleur eut tenté de verbaliser un retraité qui voyageait en tramway sans ticket.

La mesure toucherait aussi certains salariés de l'État qui devraient payer plus cher les transports et leur loyer. Un général, ancien responsable des opérations en Tchétchénie et conseiller du Premier ministre Fradkov, a fait savoir publiquement que cette mesure était très impopulaire dans l'armée. «Veut-on que les militaires descendent dans la rue?», a-t-il demandé.

Pour contrebalancer ces mesures, le gouvernement fédéral pour treize millions d'anciens bénéficiaires, et les autorités régionales pour vingt autres millions, sont censés verser des compensations aux plus défavorisés. Leur montant varie selon les catégories, mais toutes les régions n'étant pas au même niveau économique, les disparités pourraient même être plus grandes et, de toute façon, les sommes très inférieures aux besoins réels de la population.

Dans le chaos où sont plongées les classes populaires de la Russie actuelle, celles-ci considèrent à juste titre qu' « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras» et que les avantages en nature sont préférables à des compensations financières qui ne remplaceront pas la perte subie. Sans parler du fait que les salaires ou les pensions sont souvent versés en retard.

«Alors qu'est-ce qui prouve qu'on donnera ces compensations à ceux qui en ont besoin pour vivre?», est la question qui revient chez tous.

Lundi 17, pour éteindre cette protestation, Poutine a, comme à son habitude, tenté de se défausser des accusations qui le visaient et a mis en cause les autorités fédérales et régionales qui, selon lui, n'auraient pas su expliquer la réforme... Et il a proposé de doubler et d'avancer au 1ermars les compensations financières prévues pour les transports, et initialement annoncées pour le 1eravril, ce qui compenserait la perte de la gratuité des transports. Mais cela ne compensera pas les autres avantages perdus, notamment les médicaments et les soins gratuits ou quasi gratuits.

À titre d'exemple, la presse française citait le cas d'une retraitée atteinte d'un cancer ayant besoin d'un médicament coûtant 6000 roubles (160 euros). Désormais, pour acquérir ce médicament, elle n'aura que les 200 à 550 roubles (5 à 15 euros) censés venir majorer sa pension, autant dire qu'elle est condamnée. Une autre retraitée expliquait: «Ils viennent d'ajouter 200 roubles (5 euros) à ma retraite de 1600 roubles (43 euros) mais rien que pour mon diabète, le traitement coûte plus de 700 roubles par mois.»

Les différents partis d'opposition ont manifesté leur soutien aux retraités. Le Parti Communiste parle de censurer le gouvernement à la Douma, l'Assemblée nationale russe, où ils dispose de 48 sièges. La gauche nationaliste (39 sièges) réclame «la démission sans conditions du gouvernement tout entier». Mais, même si une motion de censure est déposée, elle sera déboutée par une majorité de députés favorables aux attaques menées par Poutine contre la population.

Aussi, en continuant de descendre dans la rue dans de nombreuses villes pour dénoncer cette réforme qui veut les obliger à choisir entre la nourriture, les soins médicaux ou les transports, les retraités ont pris la seule voie possible pour se faire entendre des pouvoirs publics et leur faire remballer une loi ignoble.

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