Hôpital Pitié-Salpêtrière (75) : Faire «doubler» le personnel - une manière de gérer le sous-effectif20/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital Pitié-Salpêtrière (75) : Faire «doubler» le personnel - une manière de gérer le sous-effectif

La dégradation des conditions de travail dans les hôpitaux peut se mesurer de diverses manières. C'est ainsi par exemple que les infirmières et les aides-soignantes se retrouvent de plus en plus souvent seules en salle d'hospitalisation, surtout d'après-midi et de nuit. Normalement, quand il manque une infirmière ou que les équipes sont incomplètes, l'encadrement demande des intérimaires. Mais toutes les demandes ne sont pas honorées et il arrive qu'il n'y ait pas de relève. Dans ce cas, la direction de l'hôpital oblige une des infirmières de l'équipe précédente à rester assurer un deuxième service. On appelle cela «doubler». Partir sans relève équivaut à un abandon de poste.

À la Pitié-Salpêtrière, depuis la mi-octobre, de nombreux services ont vu les infirmières être obligées de doubler. Cela fait travailler l'infirmière qui commence à 7heures le matin jusqu'à 21h30 ou 22heures le soir et celle qui commence à 13h30 ou 14heures jusqu'à 7heures le lendemain matin, selon que l'on rempile l'après-midi ou la nuit. Il est même arrivé que dans un service travaillant en 12 heures (7heures - 19heures et 19heures -7heures), l'infirmière se retrouve à travailler 24 heures d'affilée! Ce n'est pas un fait nouveau mais ce qui l'est, c'est sa fréquence, qui augmente dangereusement. Il y a encore cinq ans, on ne doublait que très exceptionnellement, le plus souvent à cause d'un arrêt maladie de dernière minute ou quand les entreprises d'intérim ne trouvaient vraiment personne, ce qui était assez rare. Ou bien la direction déplaçait une infirmière d'un autre service.

Mais aujourd'hui, il y a tellement peu de personnel partout qu'il n'y a plus personne à déplacer! Et même l'intérim ne fournit pas suffisamment. À la Pitié-Salpêtrière, c'est plus de 60 demandes de remplacement par jour! Et l'équipe de pool ne suffit plus, malgré son renforcement récemment. Ces derniers temps huit services, soit presque un tiers des services de soins, ont été régulièrement touchés par ce phénomène et c'est une ou deux fois par semaine que les infirmières de chacun d'eux rempilaient.

À cela, la direction interpellée deux fois par les syndicats répond qu'elle ne peut rien faire, qu'il n'y a plus d'infirmières. C'est vraiment se moquer de nous car nous faire travailler comme des forçats ne la dérange pas.

Ce qui a changé aussi, c'est le mode de récupération des heures travaillées. En effet, traditionnellement, les heures faites en plus étaient payées en heures supplémentaires et la journée qui suit comptée en repos récupérateur, octroyé par la direction. Cela paraît normal: on ne peut pas travailler de 7heures à 22heures et revenir à 7heures le lendemain matin! Mais depuis un an et demi, la journée du lendemain est prise sur notre compte de RTT, les heures doublées étant toujours payées. La direction nous oblige à faire des heures supplémentaires, mais en plus elle nous prend un repos sous prétexte que l'on ne vient pas travailler le lendemain. C'est du vol et quelques-unes d'entre nous ont voulu demander des comptes. Très tranquillement, la direction se justifie en expliquant qu'aucun texte ne réglemente ce cas de figure, et a même reconnu être dans l'illégalité. Pour l'instant on attend sa réponse. Mais nous sommes toutes persuadées que cela n'arriverait pas si les effectifs étaient suffisants! Nous subissons quotidiennement les conséquences du manque de personnel, ne serait-ce que par l'augmentation de la charge de travail, et il faudrait en plus y remédier en assurant deux services d'affilée quand cela arrange la direction! Cette pression continuelle pour le doublement entretient le mécontentement. Il va bien falloir forcer la direction à y mettre un terme.

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