Après le drame de Pau : Psychiatrie sinistrée et misère des hôpitaux publics23/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Après le drame de Pau : Psychiatrie sinistrée et misère des hôpitaux publics

Le meurtre d'une infirmière et d'une aide-soignante dans les locaux de l'hôpital psychiatrique de Pau, dans la nuit du 17 au 18 décembre, pendant leur service, a eu un retentissement national. Au-delà du drame humain et des circonstances dans lesquelles les meurtres ont pu être commis, l'affaire met en cause les conditions de soins dans cet hôpital, et plus généralement la prise en charge des malades psychiatriques par le secteur public dans tout le pays.

Le ministre de la Santé Douste-Blazy, lui-même, a dû reconnaître ce lien, puisqu'une de ses premières annonces a été celle du gel de toutes les fermetures de lits en cours dans les hôpitaux publics psychiatriques. Ce qui n'a pas empêché par la suite Douste-Blazy de proposer également une mesure gadget, destinée à son public le plus borné: la liaison téléphonique directe des hôpitaux psychiatriques avec les commissariats de police. Comme le disaient des membres du personnel soignant des hôpitaux psychiatriques: «Si on se retrouve isolé face à un incident grave, on n'aura pas le loisir de passer un coup de fil».

Il n'empêche que la situation indigne de la psychiatrie publique a été mise en accusation. Tout d'abord le personnel de l'hôpital de Pau était en lutte depuis des semaines contre les réductions d'effectifs, 54 postes sur le millier existant étaient remis en cause. Mais bien au-delà, c'est l'ensemble de la psychiatrie publique qui, à l'image des restrictions et des économies imposées à tous les établissements publics de santé, a eu à faire face aux réductions tragiques de moyens et de personnels.

Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, depuis plus de vingt ans, ont réduit les dépenses pour les services de santé, entièrement financées par la Sécurité sociale, car on ne peut pas alléger toujours plus les cotisations du patronat sans se priver des moyens de les faire fonctionner correctement. La psychiatrie publique a été en première ligne de ces coupes claires. Il faut dire que pour son malheur, par rapport à ce qui se passe pour d'autres secteurs spécialisés où il existe des services de pointe, dans les hôpitaux publics, les patients souffrant d'affections psychiatriques et appartenant à des familles riches bénéficient depuis toujours d'établissements privés spécialisés, chers, où la prise en charge des malades est assurée avec bien plus de moyens que dans le secteur public.

L'hôpital psychiatrique public est donc resté le parent pauvre de cette spécialité. C'est en partie ce qui explique que, dans la grande misère des hôpitaux publics, les hôpitaux psychiatriques soient souvent dans le peloton de tête.

Les différents gouvernements se sont abrités, pour justifier leur politique, derrière les avancées réelles ou supposées dans le traitement des maladies mentales. Depuis les années soixante, des psychiatres ont remis en cause l'hospitalisation des malades comme meilleure solution thérapeutique, et revendiqué la prise en charge de ceux-ci dans des structures ouvertes, près de leur lieu de vie. Cela représentait en soi, certainement, dans nombre de cas, un progrès, à condition d'avoir les moyens, en particulier humains, en médecins, infirmiers et aides-soignantes, d'assurer un vrai suivi des malades à l'extérieur. Et il s'agit de moyens encore plus importants que dans le cas d'une hospitalisation.

Seulement, si on a massivement fermé les lits dans les hôpitaux psychiatriques, parfois même fermé des hôpitaux entiers, il n'y a jamais eu de créations de structures alternatives à l'hôpital à la hauteur des besoins. Les malades ont été sortis des hôpitaux pour être abandonnés à eux-mêmes, aux bons soins de leur famille quand ils en ont une sur laquelle ils peuvent compter... ou réduits à la rue, où beaucoup prennent le chemin des prisons où ils n'auraient normalement rien à faire. On n'a pas formé des psychiatres ni embauché du personnel soignant en nombre suffisant. Il manque des centaines de médecins psychiatres aujourd'hui dans les hôpitaux publics, demain des milliers, il manque des milliers d'infirmiers, d'aides-soignantes et d'ASH.

Les syndicats de médecins et du personnel ont réclamé à cette occasion un plan d'urgence pour la psychiatrie. Ils ont tout à fait raison, mais ce qui est en jeu, au-delà du cas spécifique de la prise en charge des malades mentaux, c'est d'exiger des gouvernants quels qu'ils soient, les moyens nécessaires pour toute la santé publique et les établissements de soins qui en dépendent.

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