Allemagne : Opel supprime des milliers d’emplois23/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Opel supprime des milliers d’emplois

Avant même de connaître le contenu précis du plan de la direction, la classe politique et la presse allemandes sont parties en campagne pour vanter le «sauvetage» d'Opel.

Ces gens-là se disaient étonnés que General Motors lâche autant d'argent pour un plan social, affirmant que chacun devait bien prendre conscience du fait que cette générosité, de la part d'un groupe américain, était exceptionnelle... Ils ont répété sur tous les tons que les salariés du groupe avaient toutes les raisons d'être satisfaits de cette issue, puisqu'il n'y aurait aucun licenciement. Dans ces conditions, selon eux, se mettre en grève serait faire son propre malheur, car alors toute négociation ultérieure pour le maintien d'emplois serait rendue impossible. Certains ont même osé écrire qu'en cas de grève, non seulement des licenciements, mais des fermetures de sites deviendraient inévitables. Cette mise en condition a duré toute une semaine avant l'annonce du plan social par la direction.

La réalité est malheureusement bien différente de ce qu'ils écrivent, puisque Opel veut supprimer près de 10000 emplois rien qu'en Allemagne. Exactement ce qui avait été annoncé au mois d'octobre, et avait déclenché la grève «sauvage» des travailleurs d'Opel Bochum.

Les chiffres ne sont pas définitifs, mais il est question en particulier de plus de 5000 emplois supprimés à Rüsselsheim sur 20000, et 4100 à Bochum (sur environ 10000). Pour obtenir ces milliers de suppressions d'emplois, Opel va vendre des secteurs d'activité entiers, «externaliser», pour se débarrasser ainsi d'environ 3400 travailleurs. Ces salariés «vendus» avec leurs ateliers à Caterpillar et Stinnes par exemple, auront beau, souvent, faire le même travail, ils ne seront plus à l'effectif d'Opel et verront probablement leurs conditions de travail et de paye se dégrader. Il y aura aussi des départs en préretraite. Mais surtout, sur l'ensemble des sites, 6500 travailleurs seraient licenciés, dont 2900 à Bochum.

2500 salariés devront quitter l'usine de Rüsselsheim dès janvier 2005. Hommes politiques, organes de presse et syndicats ont le culot de dire qu'il n'y a pas de licenciements, puisque seuls des volontaires sont censés partir et qu'ils sont «repris» (disent-ils) par une «société d'activité et de qualification» où ils percevront pendant un an maximum 90% de leur salaire... Mais ensuite, ce sera pour beaucoup le chômage, mais en ordre dispersé et donc plus discrètement du point de vue d'Opel. En outre, avec les mesures gouvernementales récentes («Agenda 2010» et plan «Hartz IV» du gouvernement social-démocrate Schröder), l'indemnisation chômage est limitée à 12 mois (contre 32 mois auparavant). Et que faire ensuite?

Maigre consolation: les mesures prises ne sont pas pires à Bochum qu'à Rüsselsheim, contrairement à ce qui a été annoncé sans cesse aux grévistes de Bochum: «Vous verrez, General Motors se vengera de la grève», leur a-t-on dit.

La seule chose moins négative est la prime au départ. Beaucoup de ceux qui feront ce «choix» devraient toucher une indemnité autour de 100000 euros (en fonction du salaire, de l'âge et de l'ancienneté). Cette indemnité est perçue comme conséquente. À titre de comparaison, dans la chaîne de magasins Karstadt (qui supprime également plusieurs milliers d'emplois), une vendeuse âgée de 50 ans et avec 20 ans d'ancienneté, travaillant à plein temps, ne part qu'avec 28000 euros d'indemnités. Certains disent que la grève d'octobre ne doit pas y être pour rien.

Le président du Conseil central d'entreprise, Klaus Franz, a clairement indiqué de quel point de vue les dirigeants syndicalistes se plaçaient: «Notre but commun, c'est de façonner la restructuration grâce à un plan social.» Ces dirigeants se vantent d'avoir évité licenciements et fermetures de sites, ajoutant que pour les salariés volontaires au départ, les conditions sont «financièrement attrayantes». Mais le piège est justement de répéter sans cesse que les départs seraient tous volontaires. S'il ne se trouve pas les milliers de travailleurs «volontaires» au départ, on n'a en effet pas de mal à imaginer ce que deviendra le volontariat. Quant au syndicat, il explique qu'il va négocier pour diminuer le nombre de licenciements en échange... de baisses de salaires pour ceux qui restent. En le suivant, les travailleurs sont sûrs d'avoir les deux: des sacrifices pour ceux qui garderont leur travail et les licenciements pour les autres.

Lors des réunions qui ont eu lieu le 9 décembre dans les différentes usines pour présenter ce plan, c'est la déception et la colère qui dominaient. Nombreux sont ceux qui ont compris que ce qui était présenté par le syndicat comme une victoire n'est en réalité qu'un tremplin pour le chômage. Reste à savoir si les travailleurs de chez Opel trouveront les moyens de s'y opposer. Ils ont contre eux le plus grand trust automobile du monde... et des dirigeants syndicaux qui après s'être employés à arrêter la grève en octobre, présentent aujourd'hui ces milliers de suppressions d'emplois comme une victoire. Mais justement, en octobre, les travailleurs de chez Opel Bochum avaient créé la surprise...

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