Italie : Mécontentement social et petits calculs syndicaux02/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1896.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Mécontentement social et petits calculs syndicaux

Le 30 novembre, ce sont d'importants cortèges qui ont parcouru les grandes villes italiennes et ce sont des millions de travailleurs qui ont répondu, dans toute la péninsule, à l'appel à la grève générale. Les trois grandes confédérations syndicales CGIL, CISL et UIL appelaient à quatre heures de grève dans le secteur privé et à huit heures de grève dans le secteur public. Les travailleurs ont été très nombreux à saisir cette occasion d'exprimer leur mécontentement.

L'appel des dirigeants confédéraux à la grève était axé sur la critique de la loi de finances présentée par le gouvernement Berlusconi et actuellement en discussion. Ils dénoncent à juste titre les cadeaux fiscaux que celui-ci vient d'annoncer: six milliards d'euros de réductions d'impôt qui profiteront bien sûr aux couches les plus aisées. Le prix en sera des coupes claires dans les dépenses publiques: 75 000 emplois de fonctionnaires seraient supprimés en trois ans. Cela sera particulièrement sensible dans l'enseignement, où la réforme Moratti -du nom de la ministre de l'Éducation- introduit un enseignement toujours plus sélectif, ainsi que des facilités pour les établissements et pour les fonds privés, sur fond d'austérité générale.

À cela s'ajoutent, pour tous les travailleurs, la stagnation des salaires, la réforme des retraites et la baisse de leur pouvoir d'achat, le chômage et la précarité de l'emploi, non seulement dans le Sud mais dans tout le pays où les fermetures d'entreprises se multiplient.

Cependant, face à cette situation, les grandes organisations syndicales italiennes ne sont guère préoccupées de proposer aux travailleurs un plan d'action pour faire aboutir leurs revendications fondamentales. Elles opposent à la loi de finances de Berlusconi la nécessité d'une autre "politique de développement" en concertation avec les organisations syndicales. Elles rejoignent d'ailleurs certaines critiques venant du patronat lui-même, qui trouve que les baisses d'impôt décidées par Berlusconi ne l'avantagent pas assez et voudrait bénéficier de nouvelles subventions et facilités. Un terrain d'accord pourrait être trouvé sur ce point avec les syndicats, sous un prétexte très habituel en Italie: aider au développement du sud du pays. C'est au nom de celui-ci et de la compétitivité de l'économie qu'ont été prises ces dernières années toutes les mesures visant à déréglementer le marché du travail, aboutissant à des affaires d'or pour le patronat, mais pas à plus de développement ni pour le Sud ni même pour le Nord.

De ce point de vue, les dirigeants syndicaux préparent en fait l'après-Berlusconi en épousant la politique des dirigeants du centre-gauche. Ceux-ci préparent l'alternance, voudraient apparaître eux aussi comme proposant au pays une autre "politique de développement". Ils cherchent et trouvent pour cela l'oreille du patronat dont le nouveau dirigeant, Luca Cordero di Montezemolo, tout en menant une politique de licenciements chez Fiat dont il est aussi le dirigeant, se déclare "ouvert au dialogue" avec les syndicats, mais en particulier sur les thèmes... de la flexibilité et de la productivité!

Bien sûr, les travailleurs italiens s'opposent à la politique du gouvernement Berlusconi, mais ils ne se contenteront pas non plus des discours sur l'autre politique de développement ni des promesses de "relancer l'économie" émanant du patronat ou de dirigeants du centre-gauche, comme Romano Prodi, dont on sait qu'elles risquent de se traduire encore par des suppressions d'emplois, l'augmentation des horaires et de la flexibilité, le blocage des salaires et la précarité.

Le mécontentement des travailleurs italiens est profond, le succès de la journée du 30 novembre en témoigne. Mais pour imposer leurs revendications essentielles, ils auront aussi à dépasser la voie de garage où les dirigeants confédéraux sont prêts à les mener.

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