Côte-d'Ivoire : Le 9 novembre, c'est bien l'armée française qui a tiré02/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1896.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Côte-d'Ivoire : Le 9 novembre, c'est bien l'armée française qui a tiré

"Les soldats français ont été amenés à tirer. Ils ont effectué des tirs de sommation et, dans certains cas, ont été amenés à faire un usage total de leurs armes à feu. Il n'y avait pas moyen de faire autrement ". Voilà ce que la ministre de la Défense Alliot-Marie a avoué dimanche 28 novembre, à l'émission du Grand Jury RTL-Le Monde à propos de la fusillade du 9 novembre à l'hôtel Ivoire, à Abidjan. Mais ces aveux arrivent bien tardivement, à un moment où il devient difficile de cacher des faits qui sont désormais avérés.

"Il y a sans doute eu quelques victimes", ajoute-t-elle, montrant ainsi tout le mépris de cette représentante de l'impérialisme français pour la population ivoirienne. Car d'après les informations recueillies par les hôpitaux et des organisations humanitaires comme Médecins sans frontières ou le Comité international de la Croix-Rouge, les victimes se chiffrent par dizaines. Le colonel de la gendarmerie ivoirienne, présent lors de la manifestation du 9 novembre, raconte que les militaires ont tiré "directement sur la foule" et "sans sommation". À son arrivée sur place, vers 14 heures, le chef des troupes françaises lui a dit: "Mes barbelés de sécurité sont franchis, la foule s'excite. Si dans vingt minutes ils ne nous laissent pas partir je vais tirer". Les militaires français ont finalement tiré, "des tirs tendus au Famas (fusil d'assaut). Ce n'était pas une fusillade au hasard. C'est sur ordre du chef de corps (de l'armée française). Et il n'y pas eu de sommation.(...) La fusillade a duré vingt minutes" poursuit ce colonel de gendarmerie ivoirien qui reste cependant plus discret sur le fait que la foule en colère l'a ensuite pris à partie, lui et ses gendarmes, pour avoir laissé l'armée française tirer sur des manifestants désarmés.

Des témoins confirment la présence d'un déploiement impressionnant de plusieurs dizaines de chars, de voitures équipées de mitrailleuses et de militaires l'arme au poing, prêts à tirer dès le tout début de cet après-midi du 9 novembre. Vers 16heures, alors que les manifestants étaient encore plus nombreux, les premières rafales sont parties et les militaires ont été les premiers et les seuls à tirer.

L'armée française a eu la gâchette facile contre les Ivoiriens, elle qui ne s'est jamais opposée aux massacres ethniques qui ont fait des milliers de morts dans le pays depuis des années. Loin d'atténuer les conflits, ou de "faire en sorte que ce pays ne se divise pas en deux" comme le prétend Alliot-Marie, elle ne cesse de les aggraver.

L'armée française serait présente en Côte-d'Ivoire pour assurer la sécurité des "ressortissants" français, nous dit-on. Comme à chaque fois, on couvre des exactions sous le prétexte d'une intervention prétendument humanitaire. Mais si ces Français qui représentent pour la plupart des intérêts de groupes commerciaux, industriels ou financiers de l'Hexagone sont tellement menacés, pourquoi ne les rapatrie-t-on pas définitivement? Et si, dès le lundi 29 novembre, certains d'entre eux ont commencé à retourner en Côte-d'Ivoire, n'est-ce pas parce que ce sont ces intérêts, précisément qui commandent?

L'armée française comme les Français vivant là-bas qui représentent les Bouygues, Bolloré et d'autres plus petites entreprises n'ont rien à faire en Côte-d'Ivoire, ni dans les autres pays d'Afrique où ils sont. Alors, encore une fois... dehors!

Aline RETESSE

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